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autre précaution que la discrétion du pére. Ainsi ce n’étoit point par compliment que répondant vers le même têms à une lettre de M Frénicle, il luy témoigna quelque surprise de voir qu’il fût plus sçavant dans la science des nombres qu’il n’auroit crû qu’il fût possible sans le secours de l’algébre, dont cependant M Frénicle ne se servoit pas. C’est ce qui auroit excité en luy le desir d’en pouvoir conférer avec cét habile arithméticien s’il s’en étoit estimé capable pour lors, où si c’eût été une étude à laquelle il se fût appliqué. Mais, dit-il, je sçay si peu d’arithmétique (de cette espéce) qu’il n’y a pas encore un an que j’ignorois ce qu’on nomme les parties aliquotes d’un nombre, et qu’il me fallut emprunter un Euclide pour l’apprendre au sujet d’une question qu’on m’avoit proposée. Cette déclaration étoit sans doute un effet de cette sincérité inviolable qui régnoit dans les discours et dans les écrits de M Descartes, et qui luy fit avouër conséquemment que le defaut d’attention à quelques-uns des calculs de M Frénicle l’avoit fait tomber dans quelques méprises qu’il avoit reconnuës depuis. Il n’y avoit que la complaisance pour ses amis et la considération pour le mérite de ceux du rang où étoient prés de luy Messieurs De Sainte Croix, Frénicle, De Beaune, Des Argues, etc. Qui fussent capables de le faire retourner aux opérations d’algébre et de géométrie, ausquelles il avoit renoncé pour chercher quelque chose qui fût plus utile à l’homme. L’amitié ne luy permettoit pas de secoüer ce joug, mais il ne laissoit pas de tenter sécrétement avec le Pére Mersenne les moyens de s’en délivrer sans leur déplaire. Le plus court de ces moyens étoit de prier ce pére de rompre ce commerce. La réponse qu’il fit aux questions numériques de M De Sainte Croix au mois de juin 1638 l’avoit tellement fatigué, qu’il conjura ce pére de ne luy en envoyer plus aucunes de quelque nature qu’elles pussent être. Car, dit-il, lorsque je les ay reçûës, il est mal aisé que je m’abstienne de les chercher, principalement si je sçay qu’elles viennent, comme celles-cy, de quelque personne de mérite. Et m’étant proposé une étude pour laquelle tout le têms de ma vie, quelque longue qu’elle puisse être, ne sçauroit suffir, je ferois trés-mal d’en employer