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) ou du moins qu’il en avoit reçû une satisfaction compléte par sa réponse.

Gillot, selon le jugement qu’en faisoit son maître, étoit un garçon trés-fidéle, de trés-bon esprit, et d’un naturel fort aimable. Quoy qu’il n’eût jamais été au collége ny appris de belles lettres, il ne laissoit pas d’entendre un peu de latin et d’anglois. Il sçavoit le françois comme s’il ne fût jamais sorti de son païs, et le flamand comme s’il eût toûjours demeuré en Hollande. Il possédoit parfaitement l’arithmétique et la géométrie, et il sçavoit assez de la méthode de M Descartes pour apprendre seul et de luy-même tout ce qui pouvoit luy manquer dans les autres parties de mathématique. Ayant acquis tant de talens, il n’étoit plus en état ny même en âge de se réduire à une servitude simple. C’est pourquoy M Descartes qui l’avoit toujours beaucoup distingué parmi son domestique, dit nettement au P Mersenne que M De Sainte Croix pouvoit le prendre prés de luy comme un homme de lettres ou un sécrétaire : mais qu’il ne devoit pas attendre des sujétions de luy comme d’un valet, parce qu’ayant toûjours vécu avec des personnes, qui bien qu’au dessus de luy, n’avoient pas laissé de le souffrir souvent comme camarade , il ne s’étoit jamais accoûtumé à ces assujettissemens. Il luy fit aussi donner avis de ne pas exiger de Gillot toutes les civilitez qui se pratiquoient à Paris plus que d’un etranger qui n’y auroit jamais été élevé, et de ne le pas tenir trop long-têms sur les opérations et les calculs difficiles des nombres, de peur qu’il ne se rebutât, parce que c’est un travail fort infructueux et qui avoit besoin de trop de patience pour un esprit vif comme celuy de Gillot.

M Descartes ne jugeoit pas moins avantageusement de M Frénicle que de M De Sainte Croix. Il témoigna au P Mersenne par une lettre du 23 d’août que ce qu’il luy en avoit envoyé étoit plus que suffisant pour luy faire connoître que son arithmétique devoit être excellente, puis qu’elle le conduisoit à des choses où l’analyse a bien de la peine à parvenir .

Ce jugement est d’un poids d’autant plus grand que M Descartes étoit moins prodigue d’éloges, sur tout écrivant au P Mersenne, à qui il avoit coûtume de confier ses pensées sans