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sembloit avoir préparé pour fortifier sa géométrie contre les rebuts des ignorans et les censures des envieux. Il dit à ce pére, pour luy marquer quels étoient les fondemens de sa reconnoissance, qu’il n’y avoit pas un seul mot dans les notes de M De Beaune qui ne fût entiérement selon son intention

et

qu’il avoit fort bien vû dans sa géométrie les constructions et les démonstrations des lieux plans et solides, dont les autres disoient qu’il n’avoit mis qu’une simple analyse. Il manda la même chose à M De Beaune dans une lettre de remerciment qu’il luy addressa le même jour par le moyen du même pére. Outre la joye qu’il eut de voir qu’il eût si précisément pris sa pensée et son sens par tout, il admira encore la pénétration avec laquelle il avoit pû reconnoître des choses qu’il n’avoit mises dans sa géométrie que d’une maniére trés-obscure. Les scholiastes ordinaires qui songent souvent à leur propre gloire plûtôt qu’à celle de leurs auteurs sont ravis de trouver en les expliquant l’occasion de les corriger et de les redresser, afin de pouvoir se vanter d’avoir enchéri sur eux. M De Beaune fit connoître en cette rencontre qu’il étoit fort éloigné d’une pareille passion, si ce n’étoit point par compliment que M Descartes luy fit croire, qu’il avoit remarqué qu’il avoit eu dessein d’excuser dans ses notes les fautes de sa géométrie, plûtôt que de les découvrir. C’est ce qu’il prit pour un témoignage sincére de son affection dont il le remercia, ajoûtant qu’il ne l’auroit pas moins remercié s’il les avoit remarquées, à cause de l’utilité qu’il en auroit pû retirer. Pour luy faire voir qu’il ne se flatoit pas jusqu’au point de n’y reconnoître aucun manquement, il luy fit un détail de quelques endroits ausquels il auroit pû faire des additions ou des retranchemens.

M De Beaune luy avoit envoyé en même têms quelques unes de ses réfléxions sur les lignes courbes avec quelques difficultez dont il le prioit de luy donner la solution. M Descartes avoit intérêt de le satisfaire en ce point et mieux et plûtôt

qu’aucun autre. C’est ce qui le fit user d’une diligence toute extraordinaire pour prévenir ceux de France, à qui M De Beaune auroit pû proposer les mêmes difficultez à résoudre. Il luy manda donc ce qu’il avoit trouvé touchant ses lignes