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semble avoir perfectionné la connoissance de tout ce qui peut regarder la roulette. Mais comme nous ne devons pas faire paroître moins d’amour que luy pour la vérité, nous pouvons prendre la liberté qu’il nous auroit donnée luy-même de retoucher à son récit avec d’autant moins de scrupule, qu’il nous auroit prévenu sans doute en ce qui regarde la part que M Descartes peut avoir euë dans la question de la roulette, s’il avoit sçû la maniére dont le P Mersenne et M Descartes vivoient ensemble, et s’il avoit pû voir ce qu’ils se sont écrit l’un à l’autre sur ce sujet.

Je passe la difficulté que j’ay déja trouvée à croire que le P Mersenne se fût avisé de remarquer la roulette dés l’an 1615, et qu’il eût été vingt ans depuis sans pouvoir trouver personne, non pas même Galilée qui fût capable de rechercher la nature de cette ligne. Je veux que la multitude presque infinie d’opérations géométriques qu’il avoit faites pendant plusieurs années avec M Descartes, M Mydorge, et M Hardy avant la retraite du prémier en Hollande, ne luy eussent rien produit sur ce sujet, quoique M Descartes fût dés-lors en réputation de ne pouvoir demeurer court sur ce qui peut être du ressort de la géométrie. Mais s’il étoit certain que ce pére de concert avec M De Roberval eût écrit à tous les géométres dés l’an 1634 pour leur proposer la question de la roulette et leur en demander la solution, il est plus que probable qu’il n’auroit pas oublié M Descartes, à qui depuis cinq ans il étoit en habitude d’écrire réglément toutes les semaines en Hollande, et trés-souvent de trois jours en trois jours sur des sujets de mathématiques beaucoup moins importans. S’il en avoit écrit dés-lors à M Descartes, il en auroit infailliblement reçû quelque réponse selon leurs conventions, par lesquelles le P Mersenne s’étoit obligé de luy mander tout, et M Descartes de luy répondre exactement à tout. Le P Mersenne n’auroit certainement pas été réduit à luy écrire sur la roulette une seconde et troisiéme fois pour en arracher une réponse qu’on prétend n’être venuë qu’aprés plus d’un an, c’est-à-dire en 1635, qui est un caractére de fausseté trés-manifeste. Il est assez visible que la prémiére fois que le P Mersenne écrivit à M Descartes touchant la roulette et la démonstration de M Roberval n’arriva