Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/435

Cette page n’a pas encore été corrigée

duquel il sembloit avoir quelque interêt. Cette différence apparente ne part que d’un fond égal d’intégrité dans l’un et dans l’autre : et sans songer à s’imiter ils ont également soin de prévenir les effets de leur passion, et ils se réünissent dans leur jugement principal, qui se terminoit à considérer la géostatique comme un mauvais ouvrage, et à ne point approuver sa réfutation dans les maniéres et le stile de M De La Brosse.

Les instances que le Pére Mersenne et M Des Argues firent à M Descartes l’emportérent pourtant sur la résolution qu’il avoit prise de ne point voir le livre de M De Beaugrand. Il le fit donc chercher à Leyde et à Amsterdam, mais inutilement, et il fallut le faire venir de Paris. Il s’étoit défendu jusques-là de le voir, non par un sentiment de mépris, mais par l’expérience qu’il avoit d’ailleurs de la médiocrité de l’auteur, et par un éloignement merveilleux qu’il avoit pour reprendre les fautes d’autruy . C’étoit suivant cette disposition d’esprit qu’il se déclaroit souvent contre les écrits satyriques, et contre les réfutations trop aigres. C’étoit aussi ce qui l’avoit empéché d’approuver le livre de M De La Brosse contre M De Beaugrand. Outre, dit il, que M De La Brosse s’étoit arrêté à reprendre des choses qu’on pouvoit excuser : aprés quoy il avoit finy sa réfutation sans faire voir la suite du raisonnement qu’il réfutoit. De sorte que ceux qui comme M Descartes n’avoient point vû la géostatique de M De Beaugrand avoient tout sujet de juger que M De La Brosse s’étoit contenté de l’égratigner, ou de luy arracher les cheveux, sans luy avoir fait de profondes blessûres.

Enfin il reçût le livre de la géostatique vers le commencement du mois de juin, par le moyen de son limousin , c’est-à-dire, d’un nouveau valet de chambre que le P Mersenne luy avoit envoyé pour succéder au jeune Gillot qui étoit devenu un homme d’importance par les libéralitez de son maître, et qui s’étoit rendu assez habile sous luy pour enseigner les mathématiques aux autres. Il n’eut pas plûtôt lû la géostatique qu’il reconnut la précipitation avec laquelle il avoit jugé de M De La Brosse. Ayant trouvé le livre encore plus mauvais que son préjugé ne le luy avoit fait concevoir, il comprit avec M De Fermat comment la réfutation de ce