Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/434

Cette page n’a pas encore été corrigée

de défendre sa cause sans faire tort à sa propre réfutation : et il s’en étoit expliqué au P Mersenne dés le mois d’octobre ou de novembre de l’année précédente en ces termes. Vous m’avez envoyé deux discours, dit M De Fermat à ce pére, dont l’un est contre M De Beaugrand, et l’autre est de la composition de M Des Argues. J’avois déja vû le second qui est agréable et fait de bon esprit. Pour le prémier (celuy de M De La Brosse contre M De Beaugrand) il ne peut être mauvais si nous en retranchons les paroles d’aigreur. Car la cause de M De Beaugrand est tout-à-fait déplorée. Je luy écrivis les mêmes raisons de vôtre imprimé à luy même, dés qu’il m’eût envoyé son livre. Le jugement de M Descartes s’accordoit parfaitement avec celuy de M De Fermat en ce point. Je n’ay reçû, dit-il au même pére, que depuis peu de jours les deux petits livres in folio que vous m’avez envoyez, dont l’un qui traite de la perspective et qui est de M Des Argues n’est pas à dés-approuver, outre que la curiosité et la netteté de son langage est à estimer.

Mais pour l’autre (celuy de M De La Brosse) je trouve qu’il réfute fort mal une chose que je crois fort aisée à réfuter, et que son silence auroit été meilleur que ce qu’il a fait. Il apprit ensuite avec plaisir qu’il s’étoit rencontré en ce point avec M De Fermat, et il en rabatit encore quelque chose de l’estime qu’il pouvoit avoir euë auparavant pour M De Beaugrand. Il faut, dit-il, que la démonstration prétenduë de la géostatique soit bien défectueuse, vû que M De Fermat même qui est tant ami de l’auteur, la dés-approuve ; et que moy qui ne l’ay point vuë, ay jugé qu’elle étoit mal réfutée, par la raison seule que je n’ay pû m’imaginer qu’elle fût si peu de chose que ce que je voyois que l’on réfutoit.

Ces maniéres de juger sainement d’autruy, quoi que différentes dans ces deux hommes rares, peuvent être considérées comme des traits de la supériorité que les génies du prémier ordre ont au dessus des esprits du commun. M De Fermat ferme les yeux aux intérets de son ami, et approuve la réfutation que l’on fait de son livre, à quelques duretez prés. M Descartes oublie les mauvais offices d’un homme qui avoit recherché toutes les voies de le des-obliger, et ne peut approuver une foible réfutation d’un méchant livre, au décry