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il crut devoir y jetter des obstacles, suivant le mauvais engagement où il s’étoit mis de prendre le contrepied de M Des Argues. Par une suite de ces démarches il continua de rendre de mauvais offices à M Descartes : et n’ayant pû empêcher que ses essais s’imprimassent avec la permission du roy en Hollande, il ne trouva plus d’autre ressource à la passion qu’il avoit de luy nuire que celle de décrier ses ouvrages avant même qu’il les eût pû voir, et de les étouffer dans leur naissance s’il eût été possible. à peine avoit-il pû se saisir d’un éxemplaire de la dioptrique, soit en surprenant la bonté du P Mersenne à qui M Descartes faisoit envoyer les derniéres épreuves, soit en abusant de la fidélité de l’imprimeur De Leyde, qui luy avoit envoyé les feuilles à mesure qu’on les tiroit de la presse comme nous l’avons remarqué ailleurs, qu’il avoit fait paroître son empressement pour luy trouver des censeurs plûtôt que des lecteurs. Enfin il sembloit avoir voulu combler sa mauvaise volonté en inserant quelque chose contre luy dans son livre de la géostatique qui s’imprimoit actuellement, sur la lecture précipitée qu’il avoit faite de quelques endroits de sa dioptrique avant que de l’envoier à M De Fermat.

Il faut avoüer que M Descartes parut un peu trop sensible d’abord à l’irrégularité de cette conduite pour un philosophe de son rang : et l’indifférence qu’il témoigna pour voir le livre de la géostatique pouvoit être suspecte d’affectation. Le préjugé qu’il en conçût contre cét ouvrage se trouva (heureusement pour sa réputation) véritable et solide : mais il semble que le hazard et le ressentiment n’y avoient guéres moins de part que son discernement. Le livre de M De Beaugrand eut presque autant de censeurs qu’il rencontra de lecteurs intelligens. L’un des prémiers qui le réfutérent fut M De La Brosse médecin de profession : et il falloit que le livre fût d’une grande foiblesse pour tomber sous ces prémiers coups, qui au jugement des habiles de la profession, n’étoient ni trop rudes, ni trop adroitement portez.

M De Fermat qui étoit ami particulier de M De Beaugrand regarda cette disgrace avec des yeux qui marquoient la tendresse et la compassion de son cœur.

Il n’auroit sans doute rien épargné pour soutenir ses intérets, s’il avoit eu lieu