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avant qu’on l’imprimât. C’est ce qu’il fit au mois de juillet suivant, aprés avoir gagné du têms par le delay qu’il avoit été obligé d’apporter à cette impression. M Morin avoit fini ses objections par des protestations d’amitié, d’estime et de vénération tout à fait extraordinaires pour M Descartes, et par des plaintes sur le malheur où il se voyoit par les pratiques de ses envieux, en souhaitant que la fortune luy fût plus favorable qu’elle n’étoit ordinairement au commun des sçavans. M Descartes à qui ce langage ne convenoit guéres, eut plus de peine à répondre à cette conclusion qu’à tout le reste. Je ne prétens nullement, luy dit-il à ce sujet, mériter les honnêtetez dont vous usez à mon égard sur la fin de vôtre écrit, et je n’aurois néanmoins pas de grace à les réfuter. C’est pourquoy je puis seulement dire que je plains avec vous l’erreur de la fortune, en ce qu’elle ne reconnoît pas assez vôtre mérite. Mais pour mon particulier, graces à dieu, elle ne m’a encore jamais fait ny bien ny mal : et je ne sçay pas même pour l’avenir si je dois plûtôt desirer ses faveurs que les craindre. Car comme il ne me paroît pas honnête de rien emprunter de personne qu’on ne puisse rendre avec usure, il me semble que ce seroit une grande charge pour moy que de me sentir redevable au public.

Le Pére Mersenne qui sembloit avoir joint quelques-unes de ses difficultez avec les objections de M Morin trouva la réponse à ces difficultez dans celle que M Descartes faisoit aux objections de M Morin. Ils en parurent l’un et l’autre tellement satisfaits que le P Mersenne luy en récrivit le prémier jour d’août suivant au nom des deux en ces termes. Vous nous avez tellement consolez et enrichis des excellentes réponses que vous nous avez faites à M Morin et à moy, que je vous assure qu’au lieu de trente-huit sols de port qu’on a mis sur le pacquet, voyant ce qu’il contenoit, j’en eusses volontiers donné trente-huit écus. Nous avons lû la réponse ensemble : et M Morin a trouvé vôtre stile si beau, que je vous conseille de ne le changer jamais. Car vos similitudes et vos raretez satisfont plus que tout ce que produisent les autres… vous avez, au reste, fait un grand coup dans la réponse à M Morin de montrer que vous ne méprisez pas, ou du moins que vous n’ignorez pas la philosophie d’A