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Mais ce qui luy a fait promettre d’en faire, c’est qu’il a eu peur qu’on luy demandât pourquoy il n’avoit pas choisi pour le sujet de ses objections la dioptrique, où il dit avoir employé dix ou onze ans d’étude, plûtôt qu’une matiére de morale ou de métaphysique qui n’est point du tout de sa profession. Cette matiére ne pouvant être entenduë que de fort peu de personnes, quoique chacun se mêle volontiers d’en juger, les plus ignorans sont capables d’en dire beaucoup de choses qui passent pour vray-semblables parmi ceux qui ne les examinent pas de fort prés. Au lieu que dans la dioptrique il ne pourroit entrer tant soit peu en matiére, qu’on ne reconnût trés-évidemment sa capacité. Il ne l’a déja que trop montrée, lors qu’il a voulu soûtenir que les verres sphériques seroient aussi bons que les hyperboliques, sur ce qu’il s’est imaginé qu’il n’étoit pas besoin qu’ils eussent plus d’un pouce ou demi-pouce de diamétre.

Trois mois s’écoulérent sans que M Petit entendît parler du souvenir de M Descartes. L’impatience le fit aller trouver le P Mersenne, pour sçavoir quand pourroient venir les réponses qu’il attendoit aux objections qu’il luy avoit envoyées sur l’existence de Dieu. Le P Mersenne qui sçavoit la disposition de M Descartes à cét égard, n’osa la déclarer à M Petit craignant de le mettre en mauvaise humeur. Pour luy donner quelque satisfaction il en écrivit à M Descartes au mois de septembre, et il le pria de luy écrire quelque chose qu’il pût montrer à M Petit afin de ne le point fâcher. M Descartes écrivit à ce pére le prémier jour d’octobre, qu’il n’avoit point coûtume de flater ses adversaires ; et que si M Petit se fâchoit de son silence, il auroit encore beaucoup plus de sujet de se fâcher d’une réponse qu’il luy feroit, parce qu’assurément il ne l’épargneroit pas dans une matiére où il donnoit tant de prise sur luy. Les raisons que M Petit avoit apportées dans son écrit pour prouver l’existence de Dieu luy avoient paru si badines, qu’il sembloit s’être voulu mocquer de Dieu en les écrivant .

Il est vray qu’il y en avoit une qu’il avoit empruntée du livre de M Descartes, mais il luy avoit ôté toute sa force par le changement de place et l’altération qu’il luy avoit causée. Il manda donc au P Mersenne qu’il pourroit dire à M Petit qu’il attendoit ses o