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le P Mersenne luy avoit mandé que ces messieurs n’avoient pas une liaison si particuliére avec M De Fermat qu’on le luy avoit fait croire. Cela étant il n’avoit point douté qu’ils ne fussent disposez à préférer la vérité aux intérêts personnels de M De Fermat, et qu’ils ne s’y rendissent dés qu’ils la reconnoîtroient. C’est pourquoy sa conscience n’ayant rien à luy reprocher à leur sujet, et ne croyant pas avoir mis une syllabe dans sa réponse qui pût les des-obliger, il pria le P Mersenne de leur témoigner qu’il ne recherchoit rien tant que l’amitié des honnêtes gens, et que par cette considération il faisoit beaucoup de cas de la leur.

Ces messieurs, c’est-à-dire, M De Roberval au nom des deux, parceque M Pascal s’étoit retiré, le regardant déja comme un amy qu’ils prétendoient traiter avec honnêteté, sembloient vouloir établir le commerce de leur amitié dans la proposition de diverses questions géométriques, qu’ils ne pouvoient résoudre, et qu’ils croyoient ne pouvoir être résoluës par sa méthode. M Descartes trouva que ce parti n’étoit point avantageux pour luy. Car il y a une espéce de loy établie entre les géométres, qui défend de proposer aux autres des questions qu’ils ne peuvent résoudre eux-mêmes, puisqu’il y en a d’impossibles, comme la quadrature du cercle, etc. De plus, il se trouvoit des questions qui bien que possibles alloient néanmoins au-delà des colonnes qu’il avoit posées, non pas qu’il fallût d’autres régles et plus d’esprit, mais parceque cela demandoit plus de travail. De ce genre étoient celles dont il avoit parlé dans sa réponse à M De Fermat sur son écrit de maximis et minimis , pour l’avertir que s’il vouloit aller plus loin que luy, c’étoit par-là qu’il devoit passer. D’ailleurs il y en a qui appartiennent à l’arithmétique plûtôt qu’à la géométrie, comme celles de Diophante, et deux ou trois de celles dont Mess Pascal et De Roberval avoient fait mention dans leur écrit, qu’il ne promettoit pas de résoudre toutes. Ce n’est pas que ces derniéres fussent plus difficiles que celles de géométrie : mais il suffisoit pour luy ôter la pensée d’y travailler qu’elles fussent inutiles, ou qu’elles ne fussent point du partage d’un esprit de sa sorte, mais de ceux qui ne pouvant prendre un essor supérieur s’assujettissent par un travail opiniâtre à examiner la suite des nombres.