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ordre, le témoignage d’un seul est suffisant pour me faire espérer que je les auray tous de mon côté.

Nous ne sommes pas encore au têms d’examiner si l’espérance de M Descartes a été vaine : il suffit de remarquer maintenant que le Pére Ciermans fit quelques observations sur les météores, avec quelques réfléxions sur la géométrie de M Descartes ; et qu’il luy fit tenir ses objections touchant les couleurs de l’arc-en-ciel par l’entremise de Plempius, sans toutesfois se faire connoître à luy. M Descartes les trouva si judicieuses et si solides qu’il ne mit point en délibération d’y répondre : et le P Ciermans parut si satisfait de sa réponse, qu’il luy permit de faire imprimer ce qu’il luy avoit envoyé avec cette réponse, pourvû qu’il eût soin de n’y pas exprimer son nom, qu’il sçavoit bien luy avoit été indiqué par le Sr Plempius contre leur convention. M Descartes fit remercier ce pére de toutes ses honnêtetez par le même Plempius : et il prit dés-lors la résolution de faire imprimer toutes les objections qui luy avoient été faites par Fromond, Plempius, Ciermans, et par divers sçavans de France sur sa dioptrique, ses météores, et sa géométrie, avec ses réponses à ces objections. Mais il fallut attendre qu’il s’en fût amassé suffisamment pour remplir un juste volume : et pendant ce têms il survint des obstacles qui traversérent l’exécution de ce dessein. Si le public a recouvré enfin quelque chose de tout ce que ces obstacles et l’indifférence de M Descartes avoient pensé luy faire perdre, il en est redevable aux soins de M Clerselier, qui a pris la peine de traduire entr’autres l’écrit du P Ciermans, avec la réponse qu’y fit M Descartes, et de les insérer dans le prémier volume de ses lettres. On y voit ce que ce pére pouvoit juger du reste de la philosophie et de la force de l’esprit de M Descartes par ces essais. Ce qui luy plaisoit principalement étoit cette hardiesse qui faisoit que s’écartant des chemins battus et des routes ordinaires, il avoit l’assûrance de chercher de nouvelles terres, et de faire de nouvelles découvertes.

C’étoit, selon ce pére, découvrir un nouveau monde en philosophie, et tenter des routes inconnuës, que de rejetter comme faisoit M Descartes toutes ces troupes de qualitez, pour expliquer sans elles, et par des choses qui sont sensibles, et comme palpables, tout ce qu’il y a