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quoi que je n’aye point d’autre occasion de vous en rendre témoignage, sinon qu’ayant fait imprimer ces jours passez le volume que vous recevrez avec cette lettre, je suis bien aise de vous l’offrir comme un fruit qui vous appartient, et dont vous avez jetté les prémiéres semences en mon esprit, comme je dois aussi à ceux de vôtre ordre le peu de connoissance que j’ay des bonnes lettres. Si vous prenez la peine de lire ce livre, ou de le faire lire par ceux de vôtre compagnie qui en auront le loisir ; et si aprés en avoir remarqué les fautes, qui s’y trouvéront sans doute en tres-grand nombre, vous voulez me faire la faveur de m’en avertir, et ainsi continuer encore à m’enseigner : je vous en auray une trés-grande obligation, et je feray mon possible pour les corriger suivant vos bonnes instructions.

Nous ne sçavons pas quels furent les effets de la priére qu’il fit à son ancien maître : mais il paroît que le service qu’il en attendoit luy fut au moins rendu par le maître de m. Son neveu qui faisoit ses études sous les jésuites. Ce pére ayant reçû l’éxemplaire qui étoit pour luy, ne manqua point d’écrire à M Descartes pour l’en remercier : et afin de rendre sa reconnoissance moins stérile et plus solide, il luy promit de le lire avec les yeux d’un vray amy, c’est-à-dire avec la derniére éxactitude, et de luy en rendre compte sans flaterie et sans indulgence. M Descartes crut avoir trouvé l’amy qu’il cherchoit. Il récrivit à ce pére pour luy marquer la joye qu’il en avoit, et l’assura qu’il prenoit en trés-bonne part la promesse qu’il luy faisoit de le traitter en amy, c’est-à-dire dans toute la rigueur selon les termes de ce pére, mais selon nôtre philosophe dans toute la faveur qu’il pouvoit souhaiter.

Car ne desirant autre chose que de connoître la vérité, il aimoit incomparablement mieux la rigueur, c’est-à-dire l’éxactitude et la diligence à remarquer tout, au moins dans ceux de la profession et de la compagnie de ce pére, qu’il sçavoit n’être animez que d’un bon zéle, et n’être pas capables de commettre aucune injustice, qu’il n’auroit fait leur négligence . Il luy témoigna qu’il n’étoit point pressé de recevoir son jugement, afin de luy laisser tout le loisir qui luy étoit nécessaire pour le rendre plus éxact : et il ne doutoit nullement que plus ce jugement viendroit tard, plus il ne lui fût favorable.

Il le pria sur tout de vouloir éxaminer sa géométrie, ce qui ne se pouvoit faire que la plume à la main, et suivant tous les