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cour de Rome, avec lesquelles il avoit autrefois contracté des habitudes ; pour ses amis de tout état et de toute profession répandus dans l’Europe. Mais les prémiers distribuez furent ceux qu’on n’eut pas besoin d’envoyer hors de Hollande. Il en envoya d’abord à La Haye à M De Zuytlichem son intime amy, qui se chargea de les faire tenir aux conditions qu’il luy marqua pour en déclarer ou n’en pas déclarer le nom de l’auteur. Il le pria d’en présenter un au prince d’Orange Frédéric Henry, par une lettre où il traitoit ce prince d’altesse , titre nouveau substitué depuis un an à celuy d’excellence , par l’ambassadeur de France, à qui les princes d’Orange ont eû la prémiére obligation de cét honneur. Je vous supplie, dit-il à M De Zuytlichem, de vouloir présenter l’exemplaire à son altesse, je n’ose dire au nom de l’auteur, à cause que l’auteur n’y est pas nommé, et que je ne présume point que mon nom mérite d’être connu d’elle : mais comme ayant été composé par une personne que vous connoissez, et qui est trés-devoüée et trés-affectionnée à son service. En effet je puis dire qu’ayant pris résolution de quitter mon païs et de m’éloigner de mes connoissances pour passer une vie plus douce et plus tranquille que je ne faisois auparavant, je ne me fusses point avisé de me retirer en ces provinces, et de les préférer à quantité d’autres endroits où il n’y avoit aucune guerre, et où la pureté et la sécheresse de l’air sembloient plus propres aux productions de l’esprit, si la grande opinion que j’avois de son altesse ne m’eût fait extraordinairement fier à sa protection et à sa conduite. Depuis, ayant joüy parfaitement du loisir et du repos que j’avois espéré trouver à l’ombre de ses armes, je luy en ay trés-grande obligation ; et je pense que ce livre qui ne contient que des fruits de ce repos doit luy être offert plus particuliérement qu’à personne.

M De Zuytlichem présenta le livre au prince d’Orange avant son départ pour le siége de Breda, que ce prince alla mettre devant cette ville le 23 de juillet. Mais M Descartes ne fut pas si promtement servi à la cour de France. Il s’étoit souvenu des amitiez et des offres de service que luy avoit faites le Baron De Charnassé ambassadeur de France à La Haye peu de têms auparavant, lorsqu’il étoit allé luy rendre