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tellement vray et assûré qu’on ne puisse le renverser par aucune démonstration semblable, cela ne peut sans doute être méprisé impunément, du moins par ceux qui font profession d’enseigner. Car encore qu’il semble ne faire autre chose par tout que proposer ce qu’il dit sans le prouver : il est néanmoins trés-facile de tirer des syllogismes de ses explications, par le moyen desquels il a cru que les autres opinions touchant les mêmes matiéres pourroient être manifestement détruites, et que ceux qui voudroient les défendre auroient de la peine à répondre à ceux qui entendent ses principes.

Les raisons qu’il a eûës d’écrire en langue vulgaire plûtôt qu’en latin étoient trés-conformes au bon sens, faisant profession de travailler principalement pour la gloire et l’utilité de sa patrie, et de ne point distinguer les personnes sans lettres d’avec les autres dans le service qu’il souhaitoit de rendre à tout le monde. Mais il semble que son principal motif en ce point ait été la crainte de trouver des lecteurs trop favorablement prévenus pour les anciens : vice qui est fort ordinaire dans ceux qui ont étudié les langues, et qui par ce moyen ont assujetti leur raison à l’autorité des anciens qu’ils ont lûs. Si j’écris, dit-il, en françois qui est la langue de mon païs, plûtôt qu’en latin qui est la langue de mes précepteurs ; c’est dans l’espérance que ceux qui ne se servent que de leur raison naturelle toute pure jugeront mieux de mes opinions que ceux qui ne croyent qu’aux livres anciens. Et pour ceux qui joignent le bon sens avec l’étude, et qui sont les seuls que je souhaite avoir pour juges, ils ne seront point, je m’assûre, si partiaux pour le latin, que de refuser d’entendre mes raisons, parce que je les explique en langue vulgaire.

Il ne jugea point à propos de mettre son nom à ces quatre traitez, tant parce qu’il regardoit la qualité d’auteur d’un œil trés-indifférent, et qu’il étoit fort peu persuadé de la solidité de la gloire à laquelle les écrivains du commun aspirent par leur plume ; que parce qu’il souhaitoit d’imiter le peintre de l’antiquité, et se cacher derriére son ouvrage, ou demeurer inconnu dans la foule, pour écouter ce qu’on en diroit avec plus de liberté. Le Sieur Lipstorpius attribuë cette sup