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Aprés cela, ce que je donne au second livre touchant la nature et les propriétez des lignes courbes, et la façon de les examiner, est, ce me semble, autant au delà de la géométrie ordinaire, que la rhétorique de Cicéron est au delà de l’a, b, c, des enfans. M Descartes parloit ainsi de luy même à des amis qui avoient sa confiance, et qu’il croyoit discrets, sans songer que ce que la prudence tient caché entre amis pendant la vie, est souvent sujet à devenir public aprés la mort des uns ou des autres. Ses envieux qui paroissoient beaucoup plus ingénieux à ruiner sa réputation que ses amis ne l’étoient à la ménager, tâchérent de luy faire un nouveau crime du discernement qu’il avoit entrepris de faire entre ceux qu’il croyoit capables d’entendre sa géométrie, et ceux qu’il n’en jugeoit point capables. Il mettoit au rang des prémiers M De Méziriac gentil-homme de Bresse de l’académie françoise, qui n’étoit que de trois ans plus âgé que luy. Il faisoit un cas tout particulier de son génie et de sa capacité, sur tout pour l’arithmétique et l’algébre, qu’il possédoit en un degré de profondeur qui l’égaloit à M Viéte. Il s’en expliqua au P Mersenne vers le mois de février de l’année 1638 en ces termes. Je m’attens fort à M Bachet pour juger de ma géométrie. J’ay regret que Galilée ait perdu la vuë, je me persuade qu’il n’auroit pas méprisé ma dioptrique. Mais il ne pût recevoir de M De Méziriac pour sa géométrie la satisfaction qu’il ne pouvoit espérer de Galilée pour sa dioptrique : parce que M De Méziriac perdit la vie vers le même têms dans la plus grande vigueur d’un âge d’homme, n’ayant guéres que quarante-cinq ans lors qu’il mourut.

Son travail sur Diophante d’Aléxandrie est plus que suffisant pour justifier l’estime que M Descartes faisoit de luy : mais il est à croire que le public auroit encore enchéri sur cette estime, s’il avoit vû le traité d’algébre de M De Méziriac, et quelques autres manuscrits de cét auteur, dont le plus important est celuy des Xiii livres des eléments d’arithmétique servant pour l’algébre , écrit en latin, et acheté des héritiers de M De Méziriac depuis environ quinze ou seize années, par une personne de la religion réformée, qui n’a point oublié de l’emporter hors du royaume au têms de la révolution