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inutiles par son travail, il contribua solidement à les rendre nécessaires, puis qu’il faut les avoir lûs pour pouvoir comprendre sa géométrie. C’est pourquoi il ne commença que par où ils ont fini. Il supprima les principes de la plus grande partie de ses régles, et leurs démonstrations. Il avoit prévu même que plusieurs de ceux qui auroient lû les autres géométres, mais qui n’auroient acquis qu’une connoissance commune de cette science, pourroient trés-difficilement parvenir à l’intelligence de son écrit. Je sçay, dit-il au médecin Plempius, que le nombre de ceux qui pourront entendre ma géométrie sera fort petit. Car ayant omis toutes les choses que je jugeois n’être pas inconnuës aux autres, et ayant tâché de comprendre, ou du moins de toucher plusieurs choses en peu de paroles, (même toutes celles qui pourront jamais être trouvées dans cette science,) elle ne demande pas seulement des lecteurs trés-sçavans dans toutes les choses qui jusqu’icy ont été connuës dans la géométrie et dans l’algébre, mais aussi des personnes trés-laborieuses, trés-ingénieuses, et trés-attentives.

Aprés tout, ce fut un peu par affectation et par malice qu’il se rendit difficile à entendre dans sa géométrie : et s’il est fâcheux qu’il ait mérité pour ce point d’être mis en paralléle avec Aristote au sujet de son obscurité étudiée, il est encore plus fâcheux qu’il trouve aujourd’huy tant de gens qui prétendent qu’il ait eu plus de raison qu’Aristote d’en user de la sorte. On en jugera par ce qu’il en écrivit dix-huit mois aprés à M De Beaune en ces termes. J’ay omis dans ma géométrie, dit-il, beaucoup de choses qui pouvoient y être ajoutées pour la facilité de la pratique. Toutesfois je puis assurer que je n’ay rien omis qu’à dessein, excepté le cas de l’asymptote

que j’ay oublié. Mais j’avois prévû que certaines gens qui se vantent de sçavoir tout n’auroient pas manqué de dire que je n’avois rien écrit qu’ils n’eussent sçû auparavant, si je me fusses rendu assez intelligible pour eux : et je n’aurois pas eu le plaisir de voir l’incongruité de leurs objections. Outre que ce que j’ay omis ne nuit à personne. Car pour les autres, il leur sera plus avantageux de faire des efforts pour tâcher de l’inventer d’eux-mêmes, que de le trouver dans un livre. Pour moy je ne crains pas