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la copie dont il étoit question. Car outre qu’il le faisoit parler dans ce privilége d’une maniére assez immodeste, et toute contraire à ses intentions, en lui faisant demander octroy pour des livres qu’il avoit témoigné n’avoir pas dessein d’imprimer : il sembloit vouloir le rendre malgré luy faiseur et vendeur de livres, ce qui étoit fort opposé à son humeur et trés indigne de sa profession. Tout ce qui pouvoit le regarder en cela étoit seulement la permission d’imprimer : car pour le privilége il n’est que pour les libraires ; qui craignent que d’autres ne contrefassent l’impression, en quoi les auteurs n’ont point d’intérêt.

Le P Mersenne se trouva un peu mortifié de la réprimende que lui faisoit son amy. M Descartes s’en apperçût par la réponse que luy fit ce pére : et craignant d’avoir traité avec trop de dureté une personne qui n’avoit manqué que par excez de bienveillance, il luy en fit excuse, et luy protesta qu’il n’avoit eu dessein de se plaindre que du trop de soin qu’il faisoit paroître pour l’obliger. C’étoit un effet de l’appréhension qu’il avoit de ce qui étoit effectivement arrivé depuis, que ce pére ne mît la copie (qu’il ne lui avoit envoyée uniquement que pour la faire voir à m. Le chancelier) entre les mains de gens qui la retinssent pour la lire, sans se soucier de presser le privilége, nonobstant l’impatience du libraire de Leide, qui étoit déja à la fin de son impression. Sur ce que M Descartes avoit ajouté dans sa lettre de réprimende, qu’il n’osoit écrire tout ce qu’il en pensoit, le P Mersenne s’étoit imaginé qu’il le soupçonnoit d’avoir voulu retenir son ouvrage pour le transcrire, et le convertir à son usage au préjudice de son auteur. Cette pensée l’avoit véritablement affligé, croyant que sa fidélité étoit devenuë suspecte. M Descartes plus vivement touché de cét endroit que du reste, luy récrivit en ces termes. Je craignois que ceux à qui vous aviez laissé voir ma copie, afin d’avoir d’autant plus de têms pour la lire et en faire ce qu’ils jugeroient à propos, ne vous eussent persuadé de demander un privilége général, qui ne manqueroit pas d’étre refusé à ces conditions ; et qu’ainsi il ne s’écoulât beaucoup de têms dans tous ces mouvemens. C’est pour cela seul que je vous mandois que je n’osois écrire ce que