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Il lui permit même de choisir un libraire, et de traiter avec luy pour la stipulation de deux cens exemplaires, et la qualité du papier et des caractéres, sans achever néanmoins de conclure le traité, avant qu’il lui eût donné avis de ce qu’il auroit fait. Il lui envoya par avance le titre des quatre traitez qu’il s’agissoit d’imprimer, et qui, selon son calcul, ne devoient faire ensemble qu’un volume de cinquante ou soixante feüilles, de la forme qui s’appelle in quarto . Ce titre étoit alors conçû en ces termes, le projet d’une science universelle qui puisse élever nôtre nature à son plus haut degré de perfection. Plus la dioptrique, les météores, et la géometrie ; où les plus curieuses matiéres que l’auteur ait pû choisir pour rendre preuve de la science universelle qu’il propose sont expliquées, en telle sorte que ceux même qui n’ont point étudié les peuvent entendre .

Le P Mersenne qui n’ignoroit point l’art d’accommoder le service de ses amis avec la pratique de la régle de son couvent, n’auroit pas manqué de conduire heureusement cette affaire jusqu’à la fin. Mais l’appréhension que M Descartes eut des embarras qu’elle auroit causez à ce pére, jointe à la considération de la netteté des caractéres, de l’excellence du papier, et des autres commoditez qu’il pourroit recevoir d’une impression de Hollande, à laquelle sa présence ne seroit pas inutile, le fit résoudre à choisir Jean Maire imprimeur de Leyde. Il pouvoit se contenter du privilége que ce libraire obtint des etats le Xxii de Décembre de l’an 1636.

Mais son cœur n’auroit pas été content, si pour marquer son amour et sa parfaite soumission à son roy, et pour procurer à son livre les avantages de ceux qui s’impriment en France par autorité publique, il ne s’étoit mis en devoir d’obtenir un privilége du roy trés-chrétien. Il lui fut accordé avec de grandes marques d’estime et de distinction le quatriéme de May de l’an 1637, pour faire imprimer non seulement les quatre traitez dont il étoit question, mais encore tout ce qu’il avoit écrit jusques-là, et tout ce qu’il pourroit écrire dans la suitte de sa vie, en telle part que bon luy sembleroit, dedans et dehors le royaume de France, etc. Quoique le roy fût déja informé du mérite de M Descartes, il paroît que la faveur qu’on luy faisoit, regardoit moins sa personne que l’intérêt du bien public.