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Mr Descartes ne se trouvoit point mal de son séjour de Déventer, où il demeuroit depuis le mois d’Avril de l’an 1633. Sa solitude y étoit fort entiére et fort tranquille. Il n’avoit en ce lieu presque point d’autre conversation que celle de son ami M Reneri qui y professoit la philosophie. Mais la douceur de la vie qu’il y menoit ne se trouvoit plus accompagnée des secours qu’il avoit accoûtumé de recevoir par le moyen des habitudes qu’il entretenoit auparavant avec divers sçavans de France. Il s’apperçut même de la diminution de son commerce avec le P Mersenne, soit que la ville de Déventer fût un peu trop écartée des grandes routes, soit que les messagers du païs manquassent d’exactitude ou de fidélité. En effet, la plûpart des lettres qu’il avoit écrites à ce pére sur la fin de novembre et vers le commencement de décembre s’étoient perduës, aussi-bien que celles que le même pére lui avoit adressées vers le même-têms. Nonobstant les soupçons qu’il avoit de la mauvaise curiosité de quelque jaloux qui connoissoit leur écriture, et qui lui paroissoit tres-capable de rompre et de retenir leurs lettres, il aima mieux attribuer ces effets au hazard. C’est ce qui le fit résoudre à quitter la demeure de déventer pour retourner à Amsterdam, d’où il manda au P Mersenne qu’ils recevroient dorénavant avec plus de sûreté ce qu’ils pourroient s’envoyer l’un à l’autre.

La résolution qu’il avoit faite de vivre dans cette ville aussi retiré qu’auparavant ne l’empêcha pas de faire de têms en têms le voyage de La Haye, pour y visiter l’ambassadeur de France, qui étoit alors le Baron De Charnassé, et qui l’honoroit particuliérement de son