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continuassent de déclamer et d’écrire contre ce systême. Je ne suis point fâché, dit-il au P Mersenne, que les ministres fulminent contre le mouvement de la terre : cela conviera peut être nos prédicateurs à l’approuver. Mais à propos de cela, si vous écrivez à M Naudé domestique du Cardinal De Bagni, vous m’obligeriez de l’avertir que rien ne m’a empêché jusqu’ici de publier ma philosophie que la défense du mouvement de la terre.

Je ne l’en sçaurois séparer, à cause que toute ma physique en dépend. Vous pourrez lui mander que je serai peut être obligé de la publier à cause des calomnies de quelques personnes, qui faute d’entendre mes principes veulent persuader au monde que j’ai des sentimens fort éloignez de la vérité. Priez-le de sonder son cardinal sur ce sujet, parce qu’étant extrémement son serviteur, je serois tres-marri de lui déplaire ; et qu’étant tres-zélé à la religion catholique j’en révére généralement tous les chefs. Je n’ajoûte point que je ne veux pas me mettre au hazard de leur censure. Car croyant tres-fermement l’infaillibilité de l’eglise, et ne doutant point aussi de mes raisons, je ne puis craindre qu’une vérité soit contraire à l’autre.

C’étoit l’envie d’être orthodoxe en tout jusqu’aux moindres choses qui faisoit parler M Descartes avec tant de confiance. Il ne se croyoit point capable d’excés dans la bonne opinion qu’il avoit de tous ses sentimens qui pouvoient avoir rapport à la foi de l’eglise ; et il ne trouvoit rien dans toute la théologie et la religion, avec quoi sa philosophie ne s’accordât beaucoup mieux que la vulgaire. Il espéroit même que si ses opinions étoient jamais reçûës, toutes les controverses qui s’agitent dans la théologie pourroient tomber d’elles-mêmes, parce qu’elles sont fondées pour la plûpart sur des principes de philosophie qu’il estimoit faux. Mais malgré tout ce qu’il avoit avancé pour expliquer et justifier son sentiment touchant le mouvement de la terre, il n’osoit en parler encore long-têms aprés avec cet air de présomption qu’il faisoit paroître par tout le reste.

Il ne me reste plus qu’un seul scrupule, dit-il à l’un de ses amis, qui est touchant le mouvement de la terre.

Et pour cela j’ai donné ordre que l’on consultât pour moi un cardinal, qui me fait l’honneur de m’avoüer pour un de ses amis depuis