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que lui apporta le Sieur B au mois de février, et qui le lui prêta depuis le soir d’un samedy jusqu’au matin du lundy suivant. Il apprit en même têms que l’on attribuoit aux jésuites de Rome une partie des procédures que la sacrée congrégation avoit fait faire contre Galilée. Mais quoique les jésuites n’eussent point en général la réputation d’être des amis de ce mathématicien, il ne put soupçonner personne dans leur compagnie qui eût été capable de lui joüer ce tour hormis le Pére Scheiner qui étoit broüillé avec luy depuis plusieurs années. Ce pére venoit d’être rappellé de Rome par l’empereur pour enseigner les mathématiques en Allemagne : mais il avoit eu le loisir de déférer Galilée à l’inquisition avant son départ. M Descartes avoit si bonne opinion de la capacité des jesuites, et de celle de Scheiner en particulier, qu’il ne pouvoit croire que ce pére même en son ame n’estimât l’opinion de Copernic véritable, sur tout aprés tant de preuves que les observations du livre de Galilée venoient de fournir pour ôter au soleil les mouvemens qu’on lui attribuë. Mais il vaut peut-être mieux épargner la sincérité et la bonne foy de ce pére que sa capacité et sa science : et les ouvrages qu’il a donnez de son vivant et qu’il a laissez aprés sa mort sur le mouvement de la terre ne nous persuaderont pas qu’il y eût de la dissimulation dans tout ce qu’il a fait contre Galilée.

M Descartes feüilleta le livre de Galilée tout entier dans le peu de têms qu’on lui avoit donné pour le lire. Il trouva que l’auteur raisonnoit assez bien du mouvement. Ce n’est pas qu’il approuvât généralement tout ce qu’il en disoit : mais selon ce qu’il en avoit pû voir, il croyoit que Galilée manquoit plûtôt dans les endroits où il suit les opinions déja reçûes que dans ceux où il s’en éloigne, excepté néanmoins en ce qu’il dit du flux et du reflux, qu’il concevoit autrement que ne l’explique Galilée, quoi qu’il le fit dépendre du mouvement de la terre aussi bien que lui.

Il remarqua dans cét ouvrage quelques unes des pensées qu’il croyoit lui être tellement propres, que s’il les eût publiées auparavant, il auroit pû soupçonner Galilée de les lui avoir dérobées. Il reconnoissoit que les raisons de cét italien pour prouver le mouvement de la terre sont fort bonnes, mais qu’il ne les étalle