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sur le mouvement du cœur et du sang : et afin que ceux qui ne connoissent pas la force des démonstrations mathématiques, et qui ne sont pas accoûtumez à distinguer les vrayes raisons des vrai-semblables ne pussent rien nier de ce qu’il avançoit sans l’examiner, il fit voir que ce mouvement qu’il expliquoit, suivoit aussi nécessairement de la seule disposition des organes du cœur, de la chaleur et de la nature du sang, que fait le mouvement d’une horloge, de la force, de la situation, et de la figure de ses contrepoids et de ses rouës. Il montra aussi la fabrique et les fonctions des muscles et des nerfs, d’où il prit occasion d’expliquer les changemens qui se font dans le cerveau pour causer la veille, le sommeil, et les songes ; pour recevoir les idées que la lumiére, les sons, les odeurs, les goûts, la chaleur, le froid, et toutes les autres qualitez des objets extérieurs y peuvent imprimer par l’entremise des sens ; et même celles que la faim, la soif, et les autres passions intérieures peuvent aussi y envoyer.

Il montra ce qui doit y être pris pour le sens commun où ces idées sont reçûës ; pour la mémoire qui les conserve ; et pour la fantaisie qui peut les changer diversement, et en composer de nouvelles. Quoique cette partie ne fût point la derniére de son traité du monde, selon la méthode qu’il lui avoit donnée, ce fut pourtant par elle qu’il en finit la composition, parce qu’il avoit été obligé d’anatomiser durant l’hiver de l’an 1633 un grand nombre de têtes d’animaux, pour découvrir certainement et expliquer en quoi consistent l’imagination et la mémoire. Par la distribution des esprits animaux dans les muscles, il montra ce qui fait mouvoir les membres de ce corps en autant de façons, et à propos d’autant d’objets qui se présentent à ses sens, et d’autant de passions intérieures qui sont en lui, que les nôtres se puissent mouvoir sans que la volonté les conduise. Ce qui l’engagea insensiblement à établir la différence qu’il trouvoit entre les automates ou machines mouvantes et le corps humain, entre les bêtes et l’homme.

Enfin il mit le comble à son traité par l’exposition de l’ame raisonnable. Il fit voir qu’elle ne peut être tirée de la puissance de la matiére comme les autres choses dont il avoit parlé, mais qu’elle doit être expressément créée : qu’il ne suffit