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matérielles. Mais comme les peintres, ne pouvant également bien représenter dans un tableau de plate peinture toutes les diverses faces d’un corps solide, en choisissent une des principales qu’ils mettent seule vers le jour, et ombrageant les autres ne les font paroître qu’entant qu’on les peut voir en la regardant : de même craignant de ne pouvoir renfermer dans son discours tout ce qu’il avoit dans la pensée, il entreprit seulement d’y exposer au long ce qu’il concevoit de la lumiére. Puis à son occasion il avoit ajoûté quelque chose du soleil et des étoiles fixes, à cause qu’elle en procéde presque toute ; des cieux, à cause qu’ils la transmettent ; des planétes, des cométes, et de la terre, à cause qu’elles la font réfléchir ; et en particulier de tous les corps qui sont sur la terre, à cause qu’ils sont ou colorez, ou transparens, ou lumineux ; et enfin de l’homme, à cause qu’il en est le spectateur.

Pour ombrager même toutes ces choses, et pouvoir dire plus clairement ce qu’il en jugeoit sans être obligé de suivre ni de refuter les opinions qui sont reçûës parmi les doctes, il prit resolution de laisser ce monde-ci à leurs disputes, et de parler seulement de ce qui arriveroit dans un nouveau monde, si Dieu créoit dans les espaces imaginaires assez de matiére pour le composer. Il supposoit que Dieu voulût agiter diversement et sans ordre les diverses parties de cette matiére, de sorte qu’il en composât un chaos aussi confus que les poëtes en puissent feindre ; et qu’ensuite il ne fît autre chose que prêter son concours ordinaire à la nature, et la laisser agir suivant les loix qu’il a établies. Dans cette supposition il décrivit d’abord cette matiére : et pour la représenter d’une maniére plus claire et plus intelligible, il supposa expressément qu’il n’y avoit dans cette matiére aucune de ces formes ou qualitez dont on dispute dans les écoles, ni généralement aucune chose dont la connoissance ne fût si naturelle à nos ames, qu’on ne pût pas même feindre de l’ignorer.

Il fit voir qu’elles étoient les loix de la nature : et sans appuyer ses raisons sur aucun autre principe que sur les perfections infinies de Dieu, il tâcha de démontrer toutes celles dont on eût pû avoir quelque doute. Il montra ensuite comment la plus grande partie de la matiére