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de moi. De sorte que pour vous empêcher de traîner deux ou trois ans suivant vôtre humeur dans cette vaine espérance, et pour qu’au bout du conte, voyant que je n’aurois plus été disposé à vous recevoir, vous ne vous plaignissiez pas de ce que vous vous y seriez préparé ; je vous mandai que vous ne vous y attendissiez plus, d’autant que je serois peut être sur le point de m’en retourner, avant que vous fussiez prêt de venir. Pour vous en ôter le desir, je vous écrivis une partie de ce que j’avois pensé, et je m’offris de vous aider par lettres autant que j’en serois capable. Mais, si vous y avez pris garde, je vous avertissois par les mêmes lettres de ne vous point engager à y travailler, si vous n’aviez beaucoup de loisir et de commoditez pour cela ; et que la chose seroit longue et difficile. Je ne veux pas m’enquérir de ce que vous avez fait depuis. Car si vous avez plus estimé mes inventions que mon conseil, et que vous y ayez travaillé inutilement, ce n’est pas ma faute, puisque vous ne m’en avez pas averti. Vous avez été ensuite de cela sept ou huit mois sans m’écrire. Je ne veux ni vous en dire la cause, ni vous la demander.

Car comme vous ne la pouvez ignorer, je vous prie aussi de croire que je l’ai fort bien sçûë, quoique personne que vous ne me l’ait apprise. Toutefois je ne m’en suis jamais mis en colére comme vous vous l’imaginez. J’ai seulement eu pitié de voir que vous vous trompiez vous-même : et parce que mes lettres vous en avoient donné la matiére, je ne vous ai plus voulu écrire. Vous sçavez bien que si j’avois eu dessein de vous nuire, je l’aurois fait il y a plus de six mois ; et que si un petit mot qu’on a vu de mon écriture vous a fait recevoir du déplaisir, mes priéres et mes raisons jointes à l’assistance de mes amis n’eussent pas eu moins de pouvoir. Je vous assure de plus qu’il n’y a personne qui m’ait rien mandé à vôtre desavantage ; et que celui que vous blâmez de vous avoir prié que vous lui fissiez voir mes lettres, ne l’avoit pas fait par une vaine curiosité comme vous le dites : mais parce que je l’en avois tres-humblement supplié sans lui en dire la raison, et qu’en cela même il pensoit vous faire plaisir. Mais afin que vous ne preniez pas occasion de dire que j’aye des soupçons mal fondez, et que je me suis trompé dans mes jugemens,