Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/293

Cette page n’a pas encore été corrigée

is j’ai prié le Pére Mersenne, qui sçait parfaitement toute cette affaire, de vouloir vous en instruire. Je me contente de vous dire que le Sieur Ferrier n’est fâché que de ce que j’ai vû plus clair qu’il ne souhaitoit. Il sçait fort bien dans sa conscience que je n’ai rien appris qui le touchât que de lui-même. S’il veut faire croire que l’on m’ait fait de lui quelques faux rapports, ce n’est que pour avoir plus de prétexte de se plaindre et de s’excuser. Mais il s’est trompé lorsqu’il a crû me desobliger beaucoup dans une chose qui m’étoit indifférente. Si vous trouvez que j’aye tort, vous m’obligerez extrémement de ne me point flater : et je ne manquerai pas d’obéïr exactement à tout ce que vous ordonnerez.

La lettre que M Descartes écrivit au Sieur Ferrier sur le même sujet, fit voir qu’il ne s’étoit point dépoüillé des sentimens de l’affection qu’il avoit euë pour lui. Il se contenta de lui remettre devant les yeux, mais avec sa douceur et sa bonté ordinaire, une partie des sujets qu’il lui avoit donnez de n’être pas satisfait de lui, en lui offrant néanmoins ses services comme auparavant. Voici les termes ausquels il voulut bien s’excuser auprés de lui. Je vous assure, monsieur, que je n’ay point eu dessein de vous faire aucun déplaisir, et que je suis aussi prêt que jamais de m’employer pour vous en tout ce qui sera de mon pouvoir.

J’ai discontinué de vous écrire, parce que j’ay vû par expérience que mes lettres vous étoient dommageables, et vous donnoient occasion de perdre le têms. J’ai mandé à un de mes amis ce que je reconnoissois de vôtre humeur, parce que sçachant que vous aviez accoûtumé de vous plaindre de tous ceux qui avoient tâché de vous obliger, j’étois bien-aise, si vous veniez quelque jour à vous plaindre de moy, qu’une personne de son mérite et de sa condition pût rendre témoignage de la vérité. Je l’ai aussi averti de ce que vous m’aviez écrit de lui, et lui ai fait voir vôtre lettre. Car étant témoin des obligations que je lui ai ; et sçachant trés-certainement que vous ne le blâmiez que pour me prévenir, et m’empêcher de croire les véritez qu’il me pourroit dire à vôtre desavantage quoiqu’il ne m’en ait jamais rien appris, j’aurois crû commettre un grand crime, et me rendre complice de vôtre peu de reconnoissance, si