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ménager sa paix, et il attira leur compassion tantôt en leur dépeignant son malheur, tantôt en se jettant sur les éloges de M Descartes. Il s’addressa particuliérement aux péres de l’oratoire et à M Gassendi, qu’il attendrit et qu’il surmonta par ses importunitez. Les prémiers luy donnérent des lettres de recommandation à M Descartes. Plusieurs autres personnes en firent de méme. Mais M Gassendi s’étant excusé de lui écrire en droiture, sur ce que leur amitié ne consistoit point dans le commerce des lettres, voulut bien écrire à M Reneri leur ami commun, à qui le Sieur Ferrier addressoit le pacquet de lettres pour le faire tenir à M Descartes. Sa lettre dattée du 22 de Novembre 1630 est assez courte pour pouvoir tenir icy sa place.

Il y a plus de deux mois, dit-il à M Reneri, que je vous ay récrit touchant vôtre analyse. Je vous parlois aussi du traitté que j’ay fait pour la défense du P Mersenne contre Robert Fludd, et de l’édition que j’ay fait faire ici de ma dissertation des parhélies, dont je vous envoyois un exemplaire avec une lettre pour M Golius. Aujourd’huy je vous écris à l’occasion du pacquet qui vous est addressé pour M Descartes. Celui qui vous l’envoie est un ouvrier d’instrumens de mathématiques nommé Ferrier, dont je ne crois pas que l’industrie et l’habileté vous soient inconnuës. Cét homme qui a toujours fait paroître de grands sentimens de respect et d’affection pour M Descartes a eu la malheur de tomber dans sa disgrace, je ne sçay par quel accident ; et il est au desespoir du refroidissement qu’il a remarqué dans l’affection et les bontez dont il avoit coutume de le combler. Il lui écrit une lettre pleine de soumission pour se justifier auprés de luy ; et il m’a pressé de l’accompagner de l’une des miennes pour rendre témoignage à son innocence. Je m’en suis excusé sur ce que n’ayant pas eu l’honneur de parler à M Descartes plus d’une fois de ma vie, et n’en usant pas avec lui dans les termes d’une si grande familiarité, il pourroit trouver à redire à ma liberté, et auroit sujet de mépriser la recommandation d’une personne qui semble le toucher de trop loin. Mais ne voulant rien négliger de ce qui peut dépendre de moy pour la satisfaction du Sieur Ferrier, j’ay pris le parti de m’addresser à vous,