Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/287

Cette page n’a pas encore été corrigée

fortune : et il écrivit à M Descartes pour lui faire part du chagrin qu’il avoit de voir que les mesures qu’il avoit prises pour tenir secrétes les habitudes qu’il avoit faites en Hollande lui eussent si mal réüssi. M Descartes le consola de cet accident, comme d’une chose sans reméde. Il voulut lui persuader même qu’il n’étoit pas tant à plaindre qu’il se l’étoit imaginé, et qu’étant moralement impossible de tenir long-têms secret son voyage dans les villes de Hollande, il valoit mieux que la chose se fût passée comme elle lui étoit arrivée à Anvers, que si on fût venu à le sçavoir plus tard en un têms où il n’auroit pas été si aisé de remédier à la fiction et à la calomnie.

Le Pére Mersenne ayant vû les villes et les sçavans les plus considérables de la Flandre et du Brabant, prit sa route vers l’evêché de Liége pour aller aux eaux de Spa. La crainte d’arriver trop tard pour prendre les eaux à propos et dans leur saison, le fit avancer avec tant de diligence qu’il se trouva à Liége quinze jours plûtôt qu’il ne falloit pour faire le voyage de Spa, qui est à huit lieuës environ de cette ville. La longueur de ce sejour lui parut ennuyeuse, et M Descartes à qui il le fit sçavoir lui manda que de son côté il regrettoit beaucoup ces quinze jours qu’ils auroient pû employer ensemble à se promener et à s’entretenir de leurs études. Ce pére aprés avoir visité le païs du Bas Rhin, revint à Paris dans son couvent de la place royale vers le mois d’octobre, aprés plus d’un an d’absence. C’est le calcul que l’on en peut faire sur la datte des lettres de M Gassendi ; mais qui ne laisse pas de souffrir des difficultez, qu’on peut laisser à lever à ceux qui se chargeront de faire une nouvelle vie du P Mersenne.

Cependant le Sieur Ferrier ouvrier d’instrumens de mathématiques, se sentoit de plus en plus accablé de la misére où il étoit tombé, pour avoir négligé de suivre les avis de M Descartes. La présomption qui lui avoit fait croire qu’il pourroit marcher seul dans le travail des verres jointe au déplaisir de n’avoir pû mettre mal M Mydorge dans l’esprit de M Descartes, l’avoit porté à faire plusieurs démarches contre son devoir, et à perdre le respect qu’il devoit à l’un et à l’autre. La place qu’il attendoit dans le Louvre lui