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autres biens de cette vie. Car l’esprit même dépend si fort du tempéramment et de la disposition des organes du corps, que s’il est possible de trouver quelque moien qui rende communément les hommes plus sages et plus habiles qu’ils n’ont été jusqu’icy, je crois que c’est dans la médecine qu’on doit le chercher. Il est vray que celle qui est maintenant en usage contient peu de choses dont l’utilité soit fort considérable : mais je m’assure sans aucun dessein de la mépriser, qu’il n’y a personne même parmi ceux qui en font profession, qui n’avouë que tout ce qu’on y sçait n’est presque rien auprés de ce qui reste à sçavoir.

On pourroit s’éxemter d’une infinité de maladies tant du corps que de l’esprit, et peut être même de l’affoiblissement de la vieillesse, si on avoit assez de connoissance de leurs causes, et de tous les remédes dont la nature nous a pourvûs. Or dans le dessein que j’ay d’emploier toute ma vie à la recherche d’une science si nécessaire, j’ay rencontré un chemin qui me fait espérer de la trouver infailliblement en le suivant, à moins que la briéveté de la vie ou le défaut d’expériences n’y mettent des obstacles. J’ay crû qu’il n’y avoit point de meilleur reméde contre ces deux empéchemens, que de communiquer de bonne foy au public le peu que j’aurois trouvé, et de convier en même têms les bons esprits à faire leurs efforts pour aller encore au dela, en contribuant chacun selon son pouvoir aux expériences qu’il faudroit faire. Ceux-cy seroient secondez par d’autres qui viendroient aprés-eux, et qui commenceroient où les précédens auroient fini : et joignant ainsi les vies et les travaux de plusieurs, nous irions tous ensemble beaucoup plus loin que chacun en particuliér ne pourroit faire.

Ce fut donc dans cette persuasion qu’il voulut commencer l’éxécution de ses desseins par l’étude de l’anatomie, à laquelle il employa tout l’hiver qu’il passa à Amsterdam. Il témoigne au P Mersenne que l’ardeur qu’il avoit pour cette connoissance le faisoit presque aller tous les jours chez un boucher pour luy voir tuer des bêtes, et que delà il faisoit apporter dans son logis les parties de ces animaux qu’il vouloit anatomiser plus à loisir. Il en usa de même tres-souvent dans tous les autres lieux où il se trouva depuis ; ne