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Il trouvoit un peu étrange qu’il le taxât si souvent d’ignorance, de lenteur, et de mal-adresse sans lui rien apprendre : au lieu que M Descartes non content de le traiter toûjours avec douceur et beaucoup d’honnêteté, avoit encore eu la bonté de l’instruire de toutes choses, et de luy gouverner la main. Ferrier prétendoit devoir tout à M Descartes, et rien à M Mydorge. Il eut même l’indiscrétion de publier que M Mydorge se faisoit passer pour le prémier auteur de divers secrets, dont il ne tenoit la connoissance que de M Descartes. Mais M Descartes sans s’arrêter à ses petits ressentimens voulut luy donner un exemple de son desintéressement, en luy marquant en général que la vanité des gens qui s’attribuent la gloire d’une chose à laquelle ils n’ont rien contribué, ne fait point d’impression sur ceux qui ne sont attentifs qu’à leurs devoirs. Il paroît que le Sieur Ferrier ne trouvoit ses affaires domestiques en mauvais état, que pour avoir voulu trop se distinguer des artisans de sa profession, et pour s’être enfonçé dans la théorie de la méchanique au préjudice de son travail. Il avoit été seur de sa subsistance tant que M Descartes avoit été à Paris. Sa retraite devoit luy ouvrir les yeux sur la nécessité de travailler pour vivre, aprés avoir perdu un patron dont le semblable ne se trouvoit plus parmi les sçavans de Paris à son égard. Mais la douceur qu’il avoit trouvée dans la méditation, et dans les entretiens des mathématiciens, avoit beaucoup diminué en luy l’habitude du travail. De sorte que M Descartes se crût obligé de l’exhorter fortement à réprendre la fabrique des instrumens communs, et des autres choses qui donnoient du profit présent selon sa profession. Que s’il avoit du têms de reste pour travailler dans l’espérance d’un plus grand profit à l’avenir, il luy conseilloit de l’employer aux verres.

Que pour réussir surement dans cette derniére occupation, il falloit préparer toutes les machines à loisir, parce que ce seroit le moyen de pouvoir tailler ensuite chaque verre en un quart d’heure. Mais qu’au reste, il ne devoit pas espérer faire des merveilles du prémier coup avec ces machines. C’est un avis qu’il luy donnoit pour ne le pas laisser repaître de fausses espérances, et ne le pas engager à y travailler qu’il ne fût résolu d’y employer beaucoup de têms. Mais il luy faisoit espérer