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instrumens qu’il avoit à faire, et principalement sur les verres qu’il devoit tailler. Il voulut même luy envoyer les modéles de ce qu’il avoit pensé la dessus, et il luy promit qu’il ne luy manqueroit aucune chose de ce qui pourroit dépendre de luy, non plus que s’il étoit à Paris.

Le Sieur Ferrier eut pour toutes ces bontez de M Descartes tous les sentimens de reconnoissance dont il étoit alors capable : et il luy récrivit le 26 du même mois pour le remercier, et luy demander l’éclaircissement de quelques difficultez sur ce qu’il luy avoit envoyé. Il luy témoigna vouloir incessamment se mettre en état de travailler sur ses instructions, tant pour les modéles et les machines qu’il luy avoit décrites, que pour la taille des verres dont il luy avoit prescrit la maniére. Mais sa mauvaise fortune forma divers obstacles à ces beaux desseins à mesure qu’il faisoit paroître quelque bonne résolution. Le refroidissement qu’il trouvoit dans l’affection dont M Mydorge comme ami de M Descartes l’avoit honoré jusqu’alors contribuoit aussi à l’abatre : et il sembloit l’assujettir tellement à suivre ses ordres et ses lumiéres dans son travail, qu’il ne luy laissoit point la liberté de suivre celles de M Descartes.

C’est au moins ce que le Sieur Ferrier voulut insinuer dans sa lettre à M Descartes, qu’il n’auroit peut être pas été fâché de broüiller avec M Mydorge, et de le prévenir, dans la pensée de tirer quelque avantage des soupçons mutuels de ces deux anciens amis.

M Descartes fit semblant d’écouter ses plaintes, et insistant sur toutes choses à luy faire employer sans delay le téms présent à quelque prix que ce fût , il lui conseilla de changer de demeure, et de souffrir plûtôt ailleurs toutes sortes d’incommoditez, pourvû qu’il pût avoir du têms pour travailler à ce qu’il luy marquoit. Au cas qu’il ne pût déloger, il luy persuada de dire ouvertement son dessein à M Mydorge plûtôt que de différer à travailler ; de luy faire connoître, même de sa part s’il en étoit besoin, qu’il étoit impossible de réussir sur la maniére qu’il luy avoit prescrite.

Ferrier ne souffrit qu’avec peine, sur tout depuis le départ de M Descartes, l’assiduité avec laquelle Monsieur Mydorge pressoit et éxaminoit son travail.