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par Mad Reyniers ou M Van-Sureck ; et tantôt à Leyde par M Hooghland. Il n’y avoit ordinairement que le P Mersenne en France, qui eût son secret là dessus : et il le luy garda si religieusement que plusieurs des gens de lettres, et des curieux de France qui voyagérent pendant tout ce têms en Hollande, furent privez de la satisfaction de le voir pour n’avoir pû le déterrer. De son côté lors qu’il écrivoit à ses amis, sur tout avant qu’il se fût établi à Egmond, il datoit ordinairement ses lettres non pas du lieu où il demeuroit, mais de quelque ville comme Amsterdam, Leyde etc. Où il étoit assuré qu’on ne le trouveroit pas. Lors qu’il commençoit à être trop connu en un endroit, et qu’il se voyoit visité trop fréquemment par des personnes qui lui étoient inutiles, il ne tardoit pas de déloger pour rompre ces habitudes et se retirer en un autre lieu où il ne fût pas connu. Ce qui luy réussit jusqu’à ce que sa réputation servît à le découvrir par tout où elle le suivoit comme son ombre.

Voila l’éclaircissement que j’ay crû nécessaire pour les stations diverses du séjour de M Descartes en Hollande, étant persuadé que leur arrangement contribuera beaucoup à débarasser la suite de sa vie dans l’esprit des lecteurs.

Pour reprendre son histoire à son arrivée de France à Amsterdam où nous l’avions interrompuë, nous remarquerons qu’aprés une délibération de peu de jours il passa en Frise pour être encore plus éloigné du grand monde. Il se retira prés de Franeker, ville où se trouvoient quelques sçavans à cause de l’université qu’on y avoit établie depuis l’an 1581 : et il se logea dans un petit château qui n’étoit séparé de la ville que par un fossé. Il jugea le lieu d’autant plus commode pour luy que l’on y disoit la messe en toute sûreté, et qu’on luy laissoit une liberté entiére pour les autres éxercices de sa religion.

Ce fut là qu’ayant renouvellé devant les autels ses anciennes protestations de ne travailler que pour la gloire de Dieu et l’utilité du genre humain, il voulut commencer ses études par ses méditations sur l’éxistence de Dieu et l’immortalité de nôtre ame. Mais pour ne rien entreprendre sur ce qui est du ressort de la théologie, il ne voulût envisager Dieu dans tout son travail que comme l’auteur de la nature