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avoit point paru compatible avec ses études. La prémiére se tiroit du côté des personnes avec lesquelles il auroit eû à vivre au dehors. Il n’auroit pû se dispenser de répondre à son rang, et à la maniére de vivre établie dans son païs pour les personnes de sa qualité. De ces engagemens naissoit une espéce d’obligation d’aller de têms en têms à la cour et de se conformer à toutes ses pratiques. C’est ce qui luy auroit fait perdre la meilleure partie de son têms, comme il le marque à M De Ville-Bressieux. Cette raison subsista toûjours dans son esprit, sans que la longueur de son absence y pût apporter du changement.

C’est ce qui parut encore neuf ans aprés, lorsque sur les propositions honorables qu’on luy avoit faites de la part du Cardinal De Richelieu, il récrivit en ces termes au Pére Mersenne. Il n’y a rien qui fût plus contraire à mes desseins que l’air de Paris, à cause d’une infinité de divertissemens qui y sont inévitables : et pendant qu’il me sera permis de vivre à ma mode, je demeureray toûjours à la campagne en quelque païs où je ne puisse être importuné des visites de mes voisins non plus que je le suis icy en un coin de la Nort-Hollande. Il ajoûte que c’est la seule raison qui luy avoit fait quitter son païs, où les civilitez, pour ne pas dire les importunitez de ses alliez et de ses parens, n’étoient pas moins préjudiciables à son loisir et au repos de ses études que celles de ses voisins, et de ses amis, comme il l’a fait connoître dans les occasions ausquelles il fut obligé de s’en expliquer pour fermer la bouche à quelques-uns de ses envieux. Il ne laissoit pourtant pas d’alléguer encore une autre raison qui l’avoit porté à cette résolution. C’étoit la chaleur du climat de son païs qu’il ne trouvoit point favorable à son tempérament par rapport à la liberté de son esprit, dont la jouïssance ne pouvoit être sans quelque trouble, lorsqu’il étoit question de concevoir des véritez, où l’imagination ne devoit point se mêler. Il s’étoit apperçû que l’air de Paris étoit mêlé pour luy d’une apparence de poison trés-subtil et trés-dangereux ; qu’il le disposoit insensiblement à la vanité ; et qu’il ne luy faisoit produire que des chiméres. C’est ce qu’il avoit particuliérement éprouvé au mois de juin de l’année 1628, lorsque s’étant retiré de chez M Le Vasseur pour étudier loin des