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ne pas exposer d’abord sa santé à la rigueur de la saison : mais il se retira en un endroit de la campagne qui nous est entiérement inconnu. Nous sçavons seulement que ce n’étoit point hors de la France, et qu’il passa l’hyver dans ce lieu de retraite loin des commoditez des villes, pour s’accoûtumer au froid et à la solitude, et pour faire l’apprentissage de la vie qu’il devoit mener en Hollande. C’est ce que nous apprenons d’une lettre qu’il a écrite à un de ses amis, auquel il étoit en peine de persuader que dans quelque train de vie que nous nous engagions, nous ne devons passer d’une extrémité à l’autre que par degrez : et que le changement subit incommode plus la santé qu’il ne la rétablit dans ceux même qui sont obligez de changer de lieu ou d’état pour se remettre.

L’hiver se passa, et M Descartes prit la route de Hollande vers la fin du mois de mars de l’an 1629. Il achevoit alors la trente-troisiéme année de son âge : et à peine fut-il arrivé à Amsterdam, qu’il reçût avis du mécontentement de ceux qui murmuroient contre sa retraite, et qui blâmoient sa résolution. Les plaintes qu’on en forma n’avoient point, à vray dire, d’autre source que l’estime et l’amitié des personnes de sa connoissance qui se croioient abandonnées. Elle se réduisoient à trois sortes de reproches qu’on luy faisoit ; prémiérement d’avoir quitté la France, où la reconnoissance pour sa naissance et son éducation sembloit devoir l’attacher ; ensuite d’avoir choisi la Hollande préférablement à tout autre endroit de l’Europe ; et enfin d’avoir renoncé à la société humaine en fuyant les compagnies.

M Descartes, qui avoit préparé son esprit à tout événement, s’étoit aussi endurci le cœur contre la fausse tendresse : et persuadé que sa conduite n’avoit besoin d’aucune justification, il ne se mit pas en peine de faire cesser les plaintes de ses proches et de ses amis. Mais aprés que le têms eût dissipé leurs ressentimens dont la raison n’auroit peut-être pû venir à bout sur l’heure, il voulut bien donner des éclaircissemens à sa conduite pour la satisfaction de ceux qui auroient été touchez de ces sortes de reproches.

Il témoigne en divers endroits de ses écrits avoir eû deux raisons principales de quitter la France, dont le sejour ne luy