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de la vray-semblance. On luy demanda ensuite s’il ne connoissoit pas quelque moien infaillible pour éviter les sophismes. Il répondit qu’il n’en connoissoit point de plus infaillible que celuy dont il avoit coûtume de se servir, ajoûtant qu’il l’avoit tiré du fonds des mathématiques, et qu’il ne croioit pas qu’il y eût de vérité qu’il ne pût démontrer clairement avec ce moien suivant ses propres principes. Ce moien n’étoit autre que sa regle universelle, qu’il appelloit autrement sa méthode naturelle, sur laquelle il mettoit à l’épreuve toutes sortes de propositions de quelque nature et de quelque espéce qu’elles pussent être. Le premier fruit de cette méthode étoit de faire voir d’abord si la proposition étoit possible ou non, parce qu’elle l’éxaminoit et qu’elle l’assuroit (pour me servir de ses termes) avec une connoissance et une certitude égale à celle que peuvent produire les régles de l’arithmétique.

L’autre fruit consistoit à lui faire soudre infailliblement la difficulté de la même proposition.

Il n’eut jamais d’occasion plus éclatante que celle qui se présentoit dans cette assemblée pour faire valoir ce moien infaillible qu’il avoit trouvé d’éviter les sophismes. C’est ce qu’il reconnut luy-même quelques années depuis dans une lettre qu’il écrivit d’Amsterdam à M De Ville-Bressieux à qui il fit revenir la mémoire de ce qui s’étoit passé en cette rencontre. Vous avez vû, dit-il, ces deux fruits de ma belle régle ou méthode naturelle au sujet de ce que je fus obligé de faire dans l’entretien que j’eus avec le nonce du pape, le Cardinal De Bérulle, le Pére Mersenne, et toute cette grande et sçavante compagnie qui s’étoit assemblée chez ledit nonce pour entendre le discours de Monsieur De Chandoux touchant sa nouvelle philosophie. Ce fut là que je fis confesser à toute la troupe ce que l’art de bien raisonner peut sur l’esprit de ceux qui sont médiocrement sçavans, et combien mes principes sont mieux établis, plus véritables, et plus naturels qu’aucuns des autres qui sont déja reçus parmi les gens d’étude. Vous en restâtes convaincu comme tous ceux qui prirent la peine de me conjurer de les écrire et de les enseigner au public.

Ceux qui ne voudront pas juger de M Descartes sur la régle qui doit nous servir à distinguer le philosophe d’avec le charlatan, et qui ne sçauront pas ce que luy étoit