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n’aura pû sans doute se persuader qu’il y ait des liens au monde qui soient si doux qu’on ne sçauroit en être délivré sans les regretter. Mais je puis d’ailleurs vous répondre qu’il est des plus constans en ses amitiez etc. Quand le peu de séjour que le légat fit à Paris en 1625 ne nous permettroit pas de croire que M Descartes eût eu le loisir de plaider la cause de M De Balzac devant lui contre les accusations du Pére Goulu, nous ne pourrions disconvenir d’ailleurs qu’il ne luy ait rendu ce bon office devant le public et toute la postérité. On pourra juger du reste par la maniére dont il a tâché de le disculper du soupçon de philautie ou d’amour propre qui étoit le principal des défauts qu’on imputoit à M De Balzac, et qui lui avoit fait donner le nom de Narcisse par ses ennemis.

S’il est quelquefois obligé, dit M Descartes, de parler de lui même, il en parle avec la même liberté qui le fait parler des autres, et qui lui rend le mensonge insupportable. Comme la crainte du mépris ne l’empêche point de découvrir aux autres les foiblesses et les maladies de son corps, la malice de ses envieux ne lui fait point aussi dissimuler les avantages de son esprit. C’est ce qu’on pourroit néantmoins interpréter d’abord en mauvaise part dans un siécle où les vices sont si communs et les vertus si rares, que dés qu’un même effet peut dépendre d’une bonne ou d’une mauvaise cause, les hommes ne manquent jamais de le rapporter à celle qui est mauvaise, et d’en juger par ce qui arrive le plus souvent. Mais lors qu’on voudra considérer que M De Balzac s’explique aussi librement sur les vertus et les vices des autres que sur les siens, on ne se persuadera point qu’il y ait dans un même homme des mœurs assez différentes pour produire tout à la fois la malignité qui lui feroit découvrir les fautes d’autrui, et la flaterie honteuse qui lui feroit publier leurs belles qualitez ; la bassesse d’esprit qui le porteroit à parler de ses propres foiblesses, et la vanité qui lui feroit décrire les avantages de son esprit, et les perfections de son ame. Au contraire, l’on s’imaginera bien plûtôt qu’il ne parle de toutes ces choses, comme il fait, que par l’amour qu’il porte à la vérité, et par une générosité qui lui est naturelle. La postérité voyant en lui des mœurs tout