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d-chambre.

Là s’étant formé un modéle de conduite sur la maniére de vivre que les honnêtes gens du monde ont coûtume de se prescrire, il embrassa le genre de vie le plus simple et le plus éloigné de la singularité et de l’affectation qu’il put s’imaginer. Tout étoit assez commun chez lui en apparence : son meuble et sa table étoient toujours tres-propres, mais sans superflu.

Il étoit servi d’un petit nombre de valets, il marchoit sans train dans les ruës. Il étoit vêtu d’un simple taffetas verd, selon la mode de ces têms-là, ne portant le plumet et l’épée, que comme des marques de sa qualité, dont il n’étoit point libre alors à un gentil-homme de se dispenser.

Il avoit remis à la fin de ses voyages à se déterminer sur le choix d’une profession stable pour le reste de ses jours : mais quoi qu’il ne parût pas beaucoup plus avancé dans ses délibérations qu’au commençement, il ne laissoit pas de s’affermir insensiblement dans la pensée de ne s’assujettir à aucun employ. Ce n’est pas qu’il ne fît encore une revuë fort sérieuse sur les occupations diverses qu’ont les hommes en cette vie, pour voir s’il en trouveroit quelqu’une à sa bien-séance, et qui fût conforme aux dispositions de son esprit. Mais aprés avoir éxaminé solidement toutes choses au poids de sa raison, il jugea qu’il ne pouvoit rien faire de meilleur que de continuer dans l’occupation où il se trouvoit actuellement, depuis qu’il s’étoit défait des préjugez de son éducation.

Cette occupation consistoit uniquement à employer toute sa vie à cultiver sa raison, et à s’avancer de tout son possible dans la connoissance de la vérité, suivant la méthode qu’il s’étoit prescrite.

Les contentemens qu’il témoignoit avoir reçûs de son esprit, depuis qu’il avoit commencé à se servir de cette méthode étoient si sensibles et si solides, que ne croyant pas qu’on pût trouver ailleurs des douceurs plus innocentes et plus réelles, il ferma l’oreille à toute autre sollicitation.

Il n’étoit par la grace de Dieu esclave d’aucune des passions qui rendent les jeunes gens vicieux. Il étoit parfaitement guéri de l’inclination qu’on lui avoit autrefois inspirée pour le jeu, et de l’indifférence pour la perte de son têms. Quant à ce qui regarde la religion, il conservoit toujours