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en réputation d’habileté et de science, et sur tout au célébre Galilée qu’il devoit certainement oublier moins qu’aucun autre. Galilée étoit pour lors âgé d’environ soixante ans, et l’on peut dire qu’il étoit au période de sa belle réputation. Il étoit également connu et admiré des grands et des petits. Il n’étoit point de prince, point de grand seigneur qui passant par le lieu de sa demeure ne se fit un point d’honneur de luy rendre visite. Des curieux partoient des pays étrangers exprés pour venir le voir, comme on avoit fait autrefois au sujet de Tite-Live, et de son têms même à l’égard de M Viéte. à toutes ces considérations prises du côté de Galilée, M Descartes en pouvoit joindre du sien qui sembloient ne pouvoir le dispenser de voir ce grand homme ; et c’est sans doute sur toutes ces apparences que le Sieur Borel a décidé affirmativement qu’il l’avoit vû.

Il faut avoüer pourtant qu’il n’eut point cette satisfaction. Nous ne sçavons pas quel fut l’accident qui luy en ôta l’occasion : mais enfin nous ne trouvons pas de replique à ce qu’il écrivit luy-même plus de treize ans aprés sur ce sujet, pour détromper le Pére Mersenne. Pour ce qui est de Galilée (mande-t-il à ce pére) je vous dirai que je ne l’ay jamais vû ; que je n’ay jamais eu aucune communication avec luy ; et que par conséquent je ne sçaurois avoir emprunté aucune chose de luy. Aussi ne vois-je rien dans ses livres qui me fasse envie, ni presque rien que je voulusse avoüer pour mien. Tout le meilleur est ce qu’il y a de musique. Mais ceux qui me connoissent, pourroient croire qu’il l’auroit eu de moy plûtôt que moy de luy. Car j’avois écrit presque les mêmes choses il y a dix-neuf ans, auquel têms je n’avois point encore été en Italie ; et j’avois donné mon ecrit au Sieur N qui comme vous sçavez, en faisoit parade, et en écrivoit ça et là comme d’une chose qui venoit de luy.

Nous pouvons juger par ces paroles de M Descartes qu’il n’a jamais connu Galilée que par sa réputation et par la lecture de ses livres. Encore faudra-t-il avoüer qu’il le connoissoit même assez mal par cet endroit, si l’on trouve que Galilée n’a rien écrit sur la musique. Il est assez probable qu’il aura confondu le fils avec le pére en cette occasion : ce qui ne luy seroit point arrivé, s’il l’avoit vû chez luy, où il n’auroit pas