Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/186

Cette page n’a pas encore été corrigée

de ne plus s’arrêter jamais à la solution d’aucun problême, qu’à la priére de quelque ami .

Durant ses études de mathématiques il avoit eu soin de lire avec attention les traittez qu’il en put trouver : et il s’étoit appliqué particuliérement à l’arithmétique et à la géométrie, tant à cause de leur simplicité, que parce qu’il avoit appris qu’elles donnent de grandes ouvertures pour l’intelligence des autres parties. Mais de tous les auteurs qui lui tombérent pour lors entre les mains, pas un n’eut l’avantage de le satisfaire pleinement. à dire vray, il remarquoit dans ces auteurs beaucoup de choses touchant les nombres, qui se trouvoient véritables aprés le calcul qu’il en faisoit. Il en étoit de même à l’égard des figures, et ils lui en représentoient plusieurs dont ses yeux ne pouvoient disconvenir.

Mais son esprit éxigeoit autre chose d’eux. Il auroit souhaité qu’ils lui eussent fait voir les raisons pour lesquelles cela étoit ainsi, et qu’ils lui eussent produit les moiens d’en tirer les consequences.

C’est ce qui fit qu’il fut moins surpris dans la suite de voir que la plûpart des habiles gens, méme parmi les génies les plus solides ne tardent point à négliger ou à rejetter ces sortes de sciences comme des amusemens vains et puériles, dés qu’ils en ont fait les prémiers essais. Aussi étoit-il fort éloigné de blâmer ceux qui ayant des pré-sentimens de leur inutilité, ne font point difficulté d’y renoncer de bonne heure, sur tout lors qu’ils se voient rebutez par les difficultez et les embarras qui se rencontrent dés l’entrée.

Il ne trouvoit rien effectivement qui lui parût moins solide que de s’occuper de nombres tout simples et de figures imaginaires, comme si l’on devoit s’en tenir à ces bagatelles sans porter sa vuë au delà. Il y voioit même quelque chose de plus qu’inutile : et il croyoit qu’il étoit dangereux de s’appliquer trop sérieusement à ces démonstrations superficielles, que l’industrie et l’expérience fournissent moins souvent que le hazard ; et qui sont plûtôt du ressort des yeux et de l’imagination que de celui de l’entendement. Sa maxime étoit que cette application nous desaccoûtume insensiblement de l’usage de nôtre raison : et nous expose à perdre