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des duchez de Juliers, Cleves, Berg ou Monts. M Descartes passa ensuite au duché de Mécklebourg, et de là dans le Holstein, d’où quelques auteurs ont crû qu’il étoit allé en Danemarck. Cette opinion n’auroit rien d’incroyable, si nous avions dequoy nous persuader que M Descartes eût fait deux fois le voyage de Danemarck en sa vie.

Mais s’il n’y fut qu’une seule fois, comme il semble l’insinuer dans les endroits de ses lettres où il a eu occasion d’en parler, il faut retrancher le voyage prétendu de l’an 1621, parce que celuy qu’il fit en Danemarck onze ou douze ans aprés, est indubitable, ayant pour caractére de certitude l’établissement fixe de M Descartes en Hollande, et la compagnie de M De Ville-Bressieux, appellé par le Sieur Borel M De Bressieux, qu’il ne connoissoit pas encore en 1621.

Etant sur le point de partir pour se rendre en Hollande avant la fin de novembre de la même année, il se défit de ses chevaux et d’une bonne partie de son équipage : et il ne retint qu’un valet avec luy.

Il s’embarqua sur l’Elbe, soit que ce fût à Hambourg, soit que ce fût à Gluckstadt, sur un vaisseau qui devoit luy laisser prendre terre dans la Frise orientale, parce que son dessein étoit de visiter les côtes de la mer d’Allemagne à son loisir.

Il se remit sur mer peu de jours aprés, avec résolution de débarquer en West-Frise, dont il étoit curieux de voir aussi quelques endroits. Pour le faire avec plus de liberté, il retint un petit bâteau à luy seul d’autant plus volontiers, que le trajet étoit court depuis Embden jusqu’au prémier abord de West-Frise. Mais cette disposition qu’il n’avoit prise que pour mieux pourvoir à sa commodité, pensa luy être fatale. Il avoit affaire à des mariniers qui étoient des plus rustiques et des plus barbares qu’on pût trouver parmi les gens de cette profession. Il ne fut pas long-tems sans reconnoître que c’étoient des scélérats, mais aprés tout ils étoient les maîtres du bâteau. M Descartes n’avoit point d’autre conversation que celle de son valet, avec lequel il parloit françois. Les mariniers qui le prenoient plûtôt pour un marchand forain que pour un cavalier, jugérent qu’il devoit avoir de l’argent.

C’est ce qui leur fit prendre des résolutions qui n’étoient nullement favorables à sa bourse. Mais il y a cette différence entre les voleurs