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posteurs ; soit parce qu’ayant renoncé aux livres, il vouloit s’accoûtumer à ne juger de rien que sur le témoignage de ses yeux et de ses oreilles, et sur sa propre expérience. C’est pourquoy il n’a point fait difficulté de dire quelques années aprés, qu’il ne sçavoit rien des rose-croix : et il fut aussi surpris que ses amis de Paris, lorsqu’étant de retour en cette ville l’an 1623, il apprit que son séjour d’Allemagne luy avoit valu la réputation d’être de la confrérie des rose-croix.

Se voyant ainsi déchû de l’espérance qu’il avoit euë, de trouver quelqu’un qui fût en état de le soulager dans la recherche de la vérité, il retomba dans ses prémiers embarras. Il passa le reste de l’hiver et le carême sur les frontiéres de Baviére dans ses irrésolutions, se croyant bien délivré des préjugez de son éducation et des livres, et s’entretenant toûjours du dessein de bâtir tout de neuf. Mais quoyque cet état d’incertitude dont son esprit étoit agité, luy rendît les difficultez de son dessein plus sensibles que s’il eût pris d’abord sa résolution, il ne se laissa jamais tomber dans le découragement. Il se soûtenoit toûjours par le succez avec lequel il sçavoit ajuster les secrets de la nature aux régles de la mathématique à mesure qu’il faisoit quelque nouvelle découverte dans la physique.

Ces occupations le garantirent des chagrins et des autres mauvais effets de l’oisiveté, et elles le ménérent jusqu’au têms que le Duc De Baviére fit avancer ses troupes vers la Soüabe. Il les suivit, comme nous l’avons rapporté ailleurs, et il les quitta pour venir à Ulm, où il passa les mois de juillet et d’août avec une partie de ceux de juin et de septembre. De là il fut en Autriche voir la cour de l’empereur, aprés quoy il alla rejoindre l’armée du Duc De Baviére en Bohéme, et entra avec elle dans la ville de Prague, où il demeura jusqu’au milieu du mois de décembre.

Il prit ensuite son quartier d’hiver avec une partie des troupes que le Duc De Baviére laissa sur les extrémitez de la Bohéme méridionale en retournant à Munich. Il se remit à ses méditations ordinaires sur la nature, s’éxerçant aux préludes de ses grands desseins, et profitant de l’avantage qu’il avoit de pouvoir vivre seul au milieu de