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ces deux songes étoient accompagnez. Le melon dont on vouloit luy faire présent dans le prémier songe, signifioit, disoit-il, les charmes de la solitude, mais présentez par des sollicitations purement humaines. Le vent qui le poussoit vers l’eglise du collége, lorsqu’il avoit mal au côté droit, n’étoit autre chose que le mauvais génie qui tâchoit de le jetter par force dans un lieu, où son dessein étoit d’aller volontairement. C’est pourquoy Dieu ne permit pas qu’il avançât plus loin, et qu’il se laissât emporter même en un lieu saint par un esprit qu’il n’avoit pas envoyé : quoy qu’il fût trés-persuadé que ç’eût été l’esprit de Dieu qui luy avoit fait faire les prémiéres démarches vers cette eglise. L’épouvante dont il fut frappé dans le second songe, marquoit, à son sens, sa syndérêse, c’est-à-dire, les remords de sa conscience touchant les péchez qu’il pouvoit avoir commis pendant le cours de sa vie jusqu’alors. La foudre dont il entendit l’éclat, étoit le signal de l’esprit de vérité qui descendoit sur luy pour le posséder.

Cette derniére imagination tenoit assurément quelque chose de l’enthousiasme : et elle nous porteroit volontiers à croire que M Descartes auroit bû le soir avant que de se coucher. En effet c’étoit la veille de Saint Martin, au soir de laquelle on avoit coûtume de faire la débauche au lieu où il étoit, comme en France. Mais il nous assure qu’il avoit passé le soir et toute la journée dans une grande sobriété, et qu’il y avoit trois mois entiers qu’il n’avoit bû de vin. Il ajoûte que le génie qui excitoit en luy l’enthousiasme dont il se sentoit le cerveau échauffé depuis quelques jours, luy avoit prédit ces songes avant que de se mettre au lit, et que l’esprit humain n’y avoit aucune part.

Quoy qu’il en soit, l’impression qui luy resta de ces agitations, luy fit faire le lendemain diverses réfléxions sur le parti qu’il devoit prendre.

L’embarras où il se trouva, le fit recourir à Dieu pour le prier de luy faire connoître sa volonté, de vouloir l’éclairer et le conduire dans la recherche de la vérité. Il s’adressa ensuite à la sainte vierge pour luy recommander cette affaire, qu’il jugeoit la plus importante de sa vie. Et pour tâcher d’intéresser cette bien-heureuse mére de Dieu d’une maniére plus pressante, il prit