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e surprit d’avantage, fut de voir que ceux qui se rassembloient avec cette personne autour de lui pour s’entretenir, étoient droits et fermes sur leurs pieds : quoi qu’il fût toujours courbé et chancelant sur le même terrain, et que le vent qui avoit pensé le renverser plusieurs fois eût beaucoup diminué. Il se réveilla sur cette imagination, et il sentit à l’heure même une douleur effective, qui lui fit craindre que ce ne fût l’opération de quelque mauvais génie qui l’auroit voulu séduire. Aussi-tôt il se retourna sur le côté droit, car c’étoit sur le gauche qu’il s’étoit endormi, et qu’il avoit eu le songe. Il fit une priére à Dieu pour demander d’être garanti du mauvais effet de son songe, et d’être préservé de tous les malheurs qui pourroient le menacer en punition de ses péchez, qu’il reconnoissoit pouvoir étre assez griefs pour attirer les foudres du ciel sur sa tête : quoiqu’il eût mené jusques-là une vie assez irréprochable aux yeux des hommes.

Dans cette situation il se rendormit aprés un intervalle de prés de deux heures dans des pensées diverses sur les biens et les maux de ce monde. Il lui vint aussitôt un nouveau songe dans lequel il crût entendre un bruit aigu et éclatant qu’il prit pour un coup de tonnére. La frayeur qu’il en eut le réveilla sur l’heure même : et ayant ouvert les yeux, il apperçût beaucoup d’étincelles de feu répanduës par la chambre. La chose lui étoit déja souvent arrivée en d’autres têms : et il ne lui étoit pas fort extraordinaire en se réveillant au milieu de la nuit d’avoir les yeux assez étincellans, pour lui faire entrevoir les objets les plus proches de lui. Mais en cette derniére occasion il voulut recourir à des raisons prises de la philosophie : et il en tira des conclusions favorables pour son esprit, aprés avoir observé en ouvrant, puis en fermant les yeux alternativement, la qualité des espéces qui lui étoient représentées. Ainsi sa frayeur se dissipa, et il se rendormit dans un assez grand calme.

Un moment aprés il eut un troisiéme songe, qui n’eut rien de terrible comme les deux prémiers. Dans ce dernier il trouva un livre sur sa table, sans sçavoir qui l’y avoit mis. Il l’ouvrit, et voyant que c’étoit un dictionnaire , il en fut ravi dans l’espérance qu’il pourroit lui être fort utile. Dans le même instant il se rencontra un autre livre sous sa main, qui ne lui étoit