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pas moins d’embarras que la fin même. La recherche qu’il voulut faire de ces moiens, jetta son esprit dans de violentes agitations, qui augmentérent de plus en plus par une contention continuelle où il le tenoit, sans souffrir que la promenade ni les compagnies y fissent diversion. Il le fatigua de telle sorte que le feu lui prît au cerveau, et qu’il tomba dans une espéce d’enthousiasme, qui disposa de telle maniére son esprit déja abatu, qu’il le mit en état de reçevoir les impressions des songes et des visions.

Il nous apprend que le dixiéme de novembre mil six cent dix-neuf, s’étant couché tout rempli de son enthousiasme , et tout occupé de la pensée d’avoir trouvé ce jour là les fondemens de la science admirable , il eut trois songes consécutifs en une seule nuit, qu’il s’imagina ne pouvoir être venus que d’enhaut. Aprés s’être endormi, son imagination se sentit frappée de la représentation de quelques fantômes qui se présentérent à lui, et qui l’épouvantérent de telle sorte, que croyant marcher par les ruës, il étoit obligé de se renverser sur le côté gauche pour pouvoir avancer au lieu où il vouloit aller, parce qu’il sentoit une grande foiblesse au côté droit dont il ne pouvoit se soutenir. Etant honteux de marcher de la sorte, il fit un effort pour se redresser : mais il sentit un vent impétueux qui l’emportant dans une espéce de tourbillon lui fit faire trois ou quatre tours sur le pied gauche. Ce ne fut pas encore ce qui l’épouvanta. La difficulté qu’il avoit de se traîner faisoit qu’il croioit tomber à chaque pas, jusqu’à ce qu’ayant apperçû un collége ouvert sur son chemin, il entra dedans pour y trouver une retraite, et un reméde à son mal. Il tâcha de gagner l’eglise du collége, où sa prémiére pensée étoit d’aller faire sa priére : mais s’étant apperçu qu’il avoit passé un homme de sa connoissance sans le saluër, il voulut retourner sur ses pas pour lui faire civilité, et il fut repoussé avec violence par le vent qui souffloit contre l’eglise. Dans le même tems il vid au milieu de la cour du collége une autre personne qui l’appella par son nom en des termes civils et obligeans : et lui dit que s’il vouloit aller trouver Monsieur N il avoit quelque chose à lui donner.

M Desc s’imagina que c’étoit un melon qu’on avoit apporté de quelque païs étranger. Mais ce qui l