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le défi. Faulhaber qui excelloit particuliérement en arithmétique et en algébre dont il avoit publié peu de têms auparavant un livre en langue vulgaire, luy proposa d’abord des questions assez communes. Voyant qu’il n’hésitoit pas dans ses réponses, il luy en proposa des plus difficiles, qui n’embarrassérent pas le répondant plus que celles de la prémiére espéce. Faulhaber commença à changer de contenance ; et aprés luy avoir fait satisfaction sur les maniéres inconsidérées dont il l’avoit traité, il le pria trés-civilement de vouloir entrer avec luy dans le cabinet, pour conférer ensemble d’un sens plus rassis pendant quelques heures. Il luy mit entre les mains le livre allemand, qu’il venoit de composer sur l’algébre. Ce livre ne contenoit que des questions toutes nuës, mais des plus abstraites, sans explications. L’auteur en avoit usé de la sorte, dans le dessein d’éxercer le génie des mathématiciens d’Allemagne, ausquels elles étoient proposées pour les exciter à y donner telles solutions qu’ils pourroient. La promptitude et la facilité avec laquelle M Descartes donnoit les solutions de celles qui luy tomboient sous la vûë en feüilletant, causa beaucoup d’étonnement à Faulhaber. Mais il fut bien plus surpris de luy entendre ajoûter en même têms les régles et les théorémes généraux qui devoient servir à la solution véritable de ces sortes de questions, et de toutes les autres de même nature. Cette nouveauté luy fit prendre le change : il eut assez d’ingénuité pour reconnoître son ignorance dans la plûpart des choses que M Descartes luy faisoit voir, et il luy demanda son amitié avec empressement.

Il arriva dans le même têms qu’un mathématicien de Nuremberg nommé Pierre Roten fit paroître les solutions qu’il avoit trouvées aux questions proposées dans le livre de Faulhaber. Roten pour luy rendre la pareille, ajoûta au bout de ses réponses d’autres questions nouvelles sans explication : et convia Faulhaber de les résoudre.

Celuy-cy trouvant que la difficulté de ces questions étoit extraordinaire, communiqua la chose à M Descartes, et le pria de vouloir entrer en société de travail avec luy. M Descartes ne put luy refuser cette honnêteté. Le succez avec lequel il