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engagé, n’entrérent jamais dans la ville d’Ulm, et sortirent des extrémitez de la Soüabe immédiatement aprés le traitté : 2 qu’on étoit alors au fort de l’êté. Loin de donner des quartiers d’hyver aux troupes, le Duc De Baviére fit marcher les siennes en toute diligence le long du Danube contre les protestans d’Autriche qui s’étoient liguez avec les mécontens de Bohéme contre l’Empereur Ferdinand : et le Marquis D’Anspach par une marche toute opposée, fit avancer les siennes à grandes journées le long du Rhin, pour défendre le palatinat contre le Marquis De Spinola envoié des Pays-Bas avec des troupes espagnoles pour secourir l’empereur.

Il ne resta donc point de troupes soit catholiques soit protestantes dans la Soüabe, moins encore dans la ville d’Ulm, où M Descartes ne prétendoit pas mener une vie de soldat durant le sejour qu’il y vouloit faire. Il y pratiqua des habitudes convenables à un honnête homme, et il y rechercha particuliérement la connoissance des personnes qui étoient en réputation d’habileté pour la philosophie et les mathématiques. Le principal de ceux à qui il rendit visite fut le Sieur Jean Faulhaber, qui le reçût avec beaucoup de civilité, et qui lui donna lieu par ses honnêtetez de le hanter souvent. Faulhaber ayant remarqué dans plus d’une conversation qu’il n’étoit pas ignorant dans les mathématiques, et qu’il en parloit pertinemment lors qu’il en étoit question, s’avisa un jour de lui demander s’il avoit oüy parler de l’analyse des géométres. Le ton délibéré avec lequel M Descartes lui répondit qu’ouy, le fit douter de la chose. Le prenant sur sa réponse précipitée pour un jeune présomptueux, il lui demanda dans le dessein de l’embarasser, s’il se croioit capable de résoudre quelque problême.

M Descartes se donnant encore un air plus résolu qu’auparavant, lui dit qu’oui : et lui promit la solution des problémes les plus difficiles sans hésiter. Faulhaber qui ne voioit en lui qu’un jeune soldat, se mit à rire : et pour se mocquer de lui, il lui cita quelques vers de Plaute, pour lui faire connoître qu’il le prenoit pour un gascon aussi brave que ce glorieux fanfaron dont il est question dans la comédie. M Descartes picqué d’un parallele si disproportionné, et sensible à l’injure que lui faisoit cét allemand, luy présenta