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au public, prit le parti de reconnoître ensuite que l’ouvrage étoit du jeune Descartes, mais il tâcha de faire croire qu’il avoit à ce traitté la part qu’un maître peut avoir à l’ouvrage d’un ecolier qui travaille sous sa direction. M Descartes se crût obligé de rabattre sa vanité, de lui faire sentir le tort qu’il avoit eu de ramasser à son profit un ouvrage qu’il avoit bien voulu laisser tomber, et de lui apprendre combien il étoit peu honnête de vouloir acquérir de la réputation au préjudice de la vérité. Mais il est fâcheux pour la mémoire du Sieur Béeckman que nous ne puissions pas soupçonner un autre que lui, d’un fait si odieux. Il faloit être désintéressé et généreux comme M Descartes pour passer ce trait d’ingratitude à un homme qui avoit appris de lui ce qu’il s’étoit vanté de lui avoir enseigné, et pour lui rendre son amitié comme auparavant.

Tant que M Descartes à vécu, il n’a jamais pû consentir au désir de ceux qui demandoient la publication du petit traitté. Il ne le regardoit que comme un morceau brute, et comme le plus imparfait de tous les abrégez de la musique. Mais on n’eut pas plûtôt apris les nouvelles de sa mort, qu’on le fit mettre sous la presse à Utrecht, et quelques années aprés à Amsterdam. On le traduisit même en anglois, et on l’imprima à Londres, trois ans aprés sa mort. Les etrangers n’ont pas été les seuls qui aient fait paroître de la curiosité pour cét ouvrage.

Le pére Poisson de l’oratoire, a jugé à propos de le communiquer à ceux de nôtre païs. C’est dans cette vuë qu’il l’a traduit en nôtre langue, et qu’il l’a fait imprimer à Paris, l’année d’aprés la translation des os de M Descartes en France. Cette édition est accompagnée de quelques éclaircissemens physiques, que le même pére avoit faits en latin, pour servir à l’original de l’auteur.

Si c’est le bénéfice de l’imprimerie qui acquiert la qualité d’auteur à un ecrivain, ce n’est pas au traitté de la musique que M Descartes est redevable de cette qualité. Malgré l’excellence de cét ouvrage, et la grande jeunesse de son auteur, on peut sans conséquence avoüer qu’il n’est parmi ses ecrits, ni le premier en mérite, ni le premier en rang, soit pour le têms de l’impression, soit pour celui de la composition.