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qu’il avoit abandonnée. Il choisit le lieu de sa retraite dans le fauxbourg Saint-Germain, où il loüa une maison écartée du bruit, et s’y renferma avec un ou deux domestiques seulement, sans en avertir ses amis, ni ses parens.

On commençoit alors la tenuë des etats du royaume assemblez à Paris, dont l’ouverture s’étoit faite sur la fin d’octobre 1614 par un jeûne public de trois jours, et par une procession générale depuis l’eglise des augustins jusqu’à Nôtre-Dame, où le roy et la reine-mére assistérent avec toute la cour. Mais l’éclat de cette auguste assemblée qui attiroit tous les curieux, et qui les faisoit venir des provinces les plus reculées, ne fit point sortir nôtre nouveau reclus de sa retraite. Il y demeura le reste de cette année, et les deux suivantes 1615 et 1616 presque entiéres sans sortir pour la promenade, sans voir même un ami, à l’exception peut-être de M Mydorge, et de quelque autre mathématicien. Etant ainsi rentré dans le goût de l’étude, il s’enfonça dans celle des mathematiques, ausquelles il voulut donner tout ce grand loisir qu’il venoit de se procurer, et il cultiva particuliérement la géométrie et l’analyse des anciens qu’il avoit déja recherchée dés le collége.

Ceux de ses amis qui ne servoient qu’aux passe-tems et aux parties de divertissement, s’ennuyérent bien-tôt de ne le plus revoir. Ils le crurent d’abord retourné en Bretagne chez son pére, et se contentérent de blâmer l’incivilité qu’ils luy imputoient de n’avoir pas pris congé d’eux, et de leur avoir fait un secret de ce qu’il devoit leur communiquer. Mais ayant appris qu’il n’étoit point en Bretagne, et voyant qu’il ne paroissoit à aucun bal ni à aucune assemblée : ils le crurent entiérement perdu pour eux, aprés la vaine espérance qu’ils avoient eûë au moins, de le retrouver à la cour, ou au voyage de Guienne, au tems des mariages du roy Loüis Xiii avec l’infante d’Espagne, et de Madame De France sœur du roy avec Philippes Iv fils du roy d’Espagne.

M Descartes avoit eu la prudence au commençement de sa retraite, de se précautionner contre les hazards de la rencontre, pour ne pas tomber entre les mains de ces amis fâcheux qu’il vouloit