Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/110

Cette page n’a pas encore été corrigée

sans lui donner d’autre gouverneur qu’un valet de chambre, ni d’autres inspecteurs que des laquais. Il se reposoit avec trop de sécurité sur la sagesse d’un jeune homme de dix-sept ans, qui n’avoit encore acquis aucune expérience dans le monde ; et qui avoit trop peu de secours, n’aiant que ses propres forces pour résister aux occasions de se perdre.

Il en eut assez pour se garantir des grandes débauches, et pour ne pas tomber dans les désordres de l’intempérance : mais il ne se trouva point à l’épreuve des compagnies qui l’entrainérent aux promenades, au jeu, et aux autres divertissemens qui passent dans le monde pour indifférens, et qui font l’occupation des personnes de qualité et des honnêtes gens du siécle. Ce qui contribua à le rendre plus particuliérement attaché au jeu, fut le succés avec lequel il y réüssissoit, sur tout dans ceux qui dépendoient plûtôt de l’industrie que du hazard.

Mais ce qu’il fit de moins inutile pendant tout ce têms d’oisiveté sur la connoissance qu’il renouvella avec plusieurs personnes qu’il avoit vuës à La Fléche, et l’amitié qu’il contracta avec quelques gens de mérite qui servirent à le faire un peu revenir de ce grand éloignement où il étoit de l’étude et des livres.

Le plus important de ces nouveaux amis, étoit le célébre M Mydorge, qui avoit succédé à M Viéte dans la réputation d’être le prémier mathématicien de France en son têms. Il s’appelloit Claude, et il étoit fils de Jean Mydorge Seigneur De La Maillarde conseiller au parlement, l’un des meilleurs juges de la grand-chambre, et de Madelaine De Lamoignon, sœur de Chrêtien De Lamoignon président au mortier et tante de M De Bullion surintendant des finances. Il étoit plus âgé que M Descartes de prés d’onze ans, étant né l’an 1585. Il se maria dans le têms que M Descartes commençoit à le connoître, et il épousa Mademoiselle De La Haye, fille d’un auditeur des comptes, sœur de M De La Haye ambassadeur à Constantinople, et du Pére De La Haye jésuite. Il fut d’abord conseiller au châtelet : mais au lieu de passer au parlement, ou de se faire maître des requêtes comme les autres, il chercha un état qui pût luy laisser