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1612.

______re : & la diſpenſe qu’il avoit obtenuë du Pére Principal du Collége pour n’être pas obligé à toutes les pratiques de la diſcipline ſcholaſtique, luy fournit les moyens néceſſaires pour s’enfoncer dans cette étude auſſi profondement qu’il pouvoit Lipſtorp. de Reg. mot. pag. 75. init.le ſouhaiter. Le Pere Charlet Recteur de la Maiſon qui étoit ſon Directeur perpetuel, luy avoit pratiqué entre autres priviléges celuy de demeurer long-têms au lit les matins, tant à cauſe de ſa ſanté infirme, que parce qu’il remarquoit en luy un eſprit porté naturellement à la méditation. Deſcartes qui à ſon réveil trouvoit toutes les forces de ſon eſprit recueïllies, & tous ſes ſens raſſis par le repos de la nuit, profitoit de ces favorables conjonctures pour méditer. Cette pratique luy tourna tellement en habitude, qu’il s’en fit une maniére d’étudier pour toute ſa vie : & l’on peut dire que c’eſt aux matinées de ſon lit, que nous ſommes redevables de ce que ſon eſprit a produit de plus important dans la Philoſophie, & dans les Mathématiques. Il s’appliqua dés le Collége à purifier & à perfectionner l’Analyse des Anciens, & l’Algébre des Modernes. Juſqu’alors ces deux connoiſſances ne s’étoient étenduës qu’à des matiéres extrémement abſtraites, & qui ne paroiſſent être d’aucun uſage. La prémiére avoit toûjours été tellement aſtreinte à la conſidération des figures, qu’elle ne pouvoit éxercer l’entendement, ſans fatiguer beaucoup l’imagination. L’on s’étoit tellement aſſujetti dans la derniére à de certaines régles, & à de certains chiffres, qu’on en avoit fait un art confus & obſcur, capable ſeulement d’embaraſſer l’Esprit, au lieu d’une ſcience propre à le cultiver. Il commença dés-lors à découvrir en quoy ces deux ſciences étoient utiles, en quoy elles étoient défectueuſes. Pag. 21. & 22. Diſc. de la Méthode.Son deſſein n’étoit pas d’apprendre toutes les ſciences particuliéres qui portent le nom commun de Mathématiques : mais d’éxaminer en général les divers rapports ou proportions qui ſe trouvent dans leurs objets, ſans les ſupposer que dans les ſujets qui pourroient ſervir à luy en rendre la connoiſſance plus aiſée. Il remarqua que pour les connoître, il auroit beſoin, tantôt de les conſidérer chacune en particulier ; & tantôt de les retenir ſeulement, ou de les comprendre pluſieurs enſemble. Pour les mieux conſidérer en particulier, il crut qu’il devoit les ſuppoſer dans des li-,