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tumoit déjà à réputer preſque pour faux tout ce qui n’étoit que vray-ſemblable. S’il n’avoit eu qu’un ſeul Maître, ou s’il n’avoit point ſçu ces différentes opinions qui ſont parmi les Philoſophes, il proteſte qu’il ne luy ſeroit jamais arrivé de Pag. 17. 18. ibid ſe retirer du nombre de ceux, qui doivent ſe contenter de ſuivre les opinions des autres, plutôt que d’en chercher eux-mêmes de meilleures. Il auroit eu plus de docilité pour ſe ranger parmi ceux, à qui la raiſon ou la modeſtie fait juger qu’ils ſont moins capables de diſtinguer le vray d’avec le faux, que leurs Maîtres, ou d’autres Perſonnes dont ils peuvent être inſtruits. Mais ayant appris dés le Collége (ce ſont ſes termes) qu’on ne ſçauroit rien imaginer de ſi étrange, & de ſi peu croyable, qu’il n’ait été avancé par quelqu’un des Philoſophes ; il n’a pû choiſir un Guide, dont les opinions luy paruſſent préférables à celles des autres. C’eſt ce qui l’a obligé dans la ſuite des têms de ſe frayer un chemin nouveau, & d’entreprendre de ſe conduire luy-même.

Malgré les obſtacles qui arrêtoient ſon eſprit pendant tout le cours de ſa Philoſophie, il fallut finir cette carriére en même têms que le reſte de ſes compagnons qui n’avoient trouvé ni doutes à former, ni difficultez à lever dans les cahiers du Maître. On le fit paſſer enſuite à l’étude des Mathématiques, auſquelles il donna la derniére année de ſon ſéjour à La Fléche : & il ſemble que cette étude devoit être pour luy la récompenſe de celles qu’il avoit faites juſqu’alors. Le plaiſir qu’il y prit le paya avec uſure des peines que la Philoſophie ſcholaſtique luy avoit données ; & les progrez qu’il y fit ont été ſi extraordinaires, que le Collége de la Fléche s’eſt acquis par ſon moyen la gloire d’avoir produit le plus grand Mathématicien que Dieu eût encore mis au jour. Ce qui le charmoit particulierement dans les Mathématiques, & ſur tout dans l’Arithmétique & la Géométrie, étoit la certitude & l’évidence de leurs raiſons. Mais Pag. 9. diſc. de la méth. il n’en comprenoit pas encore le vray uſage : & dans la penſée qu’elles ne ſervoient qu’aux arts Méchaniques, il s’étonnoit de ce que leurs fondemens étant ſi fermes & ſi ſolides, on n’avoit rien bâti deſſus de plus relevé. Entre les parties des Mathématiques, il choisit l’Analyse des Géométres, & Pag. 18. ibid. l’Algébre pour en faire le ſujet de ſon application particulié-